Elisabeth Brami
192 pages, éditions Charleston, mars 2018
L'histoire :
"Ma Dame,
Laissez-moi vous aimer. Juste avec des mots. Rien que des mots. Plus fort grâce aux mots. Vous êtes mon île, mon salut, ma survie, mon repos. Que ces lignes vous brûlent, vous percent, vous pénètrent dans l'extrême beauté d'une passion dont les corps s'épousent malgré l'absence."
Gabrielle, Emilie. Deux femmes que tout sépare. Elles se rencontrent. S'éblouissent. Doivent se quitter. Mais de ce moment éphémère s'est noué un lien insensé qui les pousse à échanger des lettres à n'en plus finir pour abolir l'espace, le temps, l'oubli et la douleur du manque. C'est l'écriture d'une passion nourrie de la passion de l'écriture.
Mon avis :
Ce roman nous parle d'amour. D'un amour fou comme il y en a peu. D'un amour qui ne s'explique pas. D'un amour qui brûle, qui transperce le coeur. D'un amour qui foudroie et laisse sans voix. Cette histoire d'amour est celle de Gabrielle et Emilie. Deux femmes qui ont déjà bien vécu, ont construit une famille et n'ont jamais été attirées par quelqu'un du même sexe. Deux femmes qui se rencontrent par hasard et très brièvement mais vont être marquées à jamais par ce moment et comme hantées l'une par l'autre. Cela va les amener à entamer une correspondance puisqu'elles partagent toutes deux le goût des mots.
Ce qui leur arrive, elles ne le comprennent pas. Elles ne se sont vues que quelques instants et pourtant, il y a depuis un manque et une fièvre qui les dévorent. Trente ans et des milliers de kilomètres les séparent. Leurs familles et les convenances leur interdisent de se revoir, mais leurs lettres les rapprochent. Elles sont d'abord légères et timides, parfois piquantes et provocantes puis totalement passionnées. Il y a de la réticence chez l'une et même du déni. Elle voudrait ne pas voir. Elle voudrait oublier. Mais plus elle repousse l'autre, plus elle est attirée.
L'attente entre deux lettres devient de plus en plus insoutenable. L'une écrit même des lettres qu'elle n'envoie pas pour ne pas être trop pressante, pour ne pas embarrasser l'autre mais parce qu'elle a besoin d'exprimer ce qu'elle ressent. Ces sentiments qui la bouleversent et qu'elle n'a jamais connu auparavant. Cet amour, elles ne se l'expliquent pas. C'est comme si leurs âmes étaient liées, aimantées, nourries l'une par l'autre.
Il y a dans ce livre énormément d'émotions. D'abord déroutant, cet amour devient évident aussi bien pour les deux femmes que pour le lecteur. On est ému de cet amour si pur, si peu banal qui tient de l'attachement, de l'amitié, de l'instinct maternel, de la complicité et du désir. Les mots sont beaux et plein de délicatesse et il y a cette urgence et cette impossibilité d'être ensemble qui nous brisent le coeur. Ce que je retiendrai de cette lecture, en plus de la beauté et de la pureté, c'est cette évidence : il faut profiter de chaque instant et vivre pour soi et non pour les autres. On ne doit jamais fermer son coeur ou s'empêcher d'aimer.
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Quelques passages :
"Vous êtes mon astre et mon désastre".
"Vous êtes, ma seule, mon amie, mon amante, mon interdite, ma préférence, ma bien-aimée. Vous êtes un printemps dans mon hiver. Vous êtes mon enfant, ma petite soeur perdue, un miracle de jeunesse, une musique de l'âme dans un corps désirable que je ne puis toucher. Vous êtes la fenêtre par laquelle je respire, l'écho qui brise ma solitude, l'ancre qui amarre ma vie."
"C'est un amour que je ne puis ni cerner ni définir. Comme un amour d'enfant infini qui résiste à toute raison ou un amour d'adulte qui aurait perdu la tête."
"Ma Dame, vous êtes mon île, mon salut, ma survie, mon repos. Rien n'existe alentour et je pleure dans vos cheveux des larmes d'abandon. Le monde aboli me laisse sans regret. Comment ai-je pu vivre avant notre rencontre ? Je vivais peut-être, mais je n'existais pas."