Je suis la reine
de Anna Starobinets
Catégorie(s) : Recueil de nouvelles - Littérature russe
Edition / Collection : Mirobole / Horizons pourpres
Date de parution : 14 mars 2013
Nombre de pages : 210
Prix : 19€
Présentation de l'éditeur :
Maxime, sept ans, vit avec sa soeur et leur mère à Moscou. Bientôt des transformations déconcertantes s'opèrent chez le petit garçon. De quel hôte est-il devenu la proie? Les "histoires inquiétantes" de ce recueil font évoluer des personnages poignants dans une Russie contemporaine sombre et absurde. Ici, un employé de bureau développe des sentiments troubles pour une denrée moisissant au fond d'un réfrigérateur. Là, un dresseur de chiens se réveille dans un train à côté d'une femme qu'il n'a jamais vue mais dit être son épouse, et qu'il devra apprendre à aimer... D'une plume extraordinairement poétique, "Je suis la reine" brouille les frontières entre réel et imaginaire et offre une représentation saisissante de la folie et de l'horreur quotidiennes.
Wooooow ! Je viens tout juste de refermer ce livre et je suis encore toute chamboulée. J'avais envie d'une lecture marquante, eh bien me voilà servie ! Ce recueil de nouvelles n'est pas de ces livres que l'on lit pour passer un bon moment et que l'on referme le coeur léger en étant prêt à passer à autre chose, laissant derrière nous les personnages et leurs histoires. Non. C'est un roman qui bouscule, qui écoeure, qui déconcerne et qui pourtant fascine. Durant presque toute ma lecture, j'étais partagée entre le dégoût et l'admiration et je suis franchement bluffée par le talent de cette jeune auteure russe qui manie les mots et la narration avec beaucoup d'aisance. Anna Starobinets m'a fait ressentir tout un tas d'émotions mais elle m'a surtout totalement déroûtée. J'ai eu l'impression de lire les mots d'un fou, de rentrer dans la tête d'une personnage complètement dérangé et de ne plus pouvoir en sortir. Les histoires qu'elle nous raconte sont absurdes, horribles, dérangeantes et elle arrive, avec une facilité déconcertante, à les rendre crédibles malgré tout et en dépit du bon sens. Même quand son personnage mort est encore là pour assurer son dernier mois de travail ou s'occuper de ses funérailles, on y croit !
Je ne saurais vous dire quelle nouvelle j'ai préféré, car elles ont toutes quelque chose de marquant et de troublant. Que ce soit celle qui nous raconte l'histoire de cet homme complètement gaga devant une moisissure ou celle de ce petit garçon qui devient étrange du jour au lendemain... Brrrr ! Chaque fois, j'ai vécu l'histoire à fond. J'ai frissonné, j'ai appréhendé la chute, et j'ai même ri ! Oui, j'ai ri devant l'absurdité de certaines situations. J'ai ri car ce livre est tellement cynique, tellement noir ! J'ai été troublée aussi par le regard froid et pessimiste que l'auteur porte sur la société. On a l'impression que les personnages de ce roman sont incapables de communiquer avec les autres. Ils sont comme enfermés dans leur bulle hermétique et n'intéragissent pas avec l'extérieur.
Ce roman m'a rappelé les classiques écrits par de grands auteurs des pays de l'Est de l'Europe tels que Kafka ou Gogol. Je n'ai pas pu m'empêcher de penser au Procès et à La Métamorphose de Kafka, deux récits que j'adore. C'est vraiment très particulier. Je pense qu'on peut adorer, détester ou bien carrément de ne pas pouvoir se prononcer tant c'est étrange et hors du commun. Personnellement, j'ai trouvé ce recueil fascinant et brillant. L'auteur s'essaie à plusieurs procédés narratifs et s'en sort à merveille. Je me suis régalée même si j'en ai encore froid dans le dos et que je ne recommanderai pas ce récit aux plus sensibles. Une autre référence me vient en tête car je trouve que leurs univers sont assez proches, il s'agit de Claire Castillon. Elles ont, je trouve, une manière assez similaire de parler de la folie ordinaire avec beaucoup de naturel et de facilité. Déconcertant et troublant, "Je suis la reine" est un recueil à découvrir si l'étrange, le bizarre, la folie et l'absurde ne vous font pas peur...
En quelques mots :
Excellent ! Dans la lignée des grands classiques des auteurs de l'Est (Kafka, Gogol,...) où l'horreur et l'absurde se côtoient.