
Alain Delambre est un cadre de cinquante-sept ans anéanti par quatre années de chômage sans espoir.
Ancien DRH, il accepte des petits jobs démoralisants. À son sentiment de faillite personnelle s’ajoute bientôt l’humiliation de se faire botter le cul pour cinq cents euros par mois…
Aussi quand un employeur, divine surprise, accepte enfin d’étudier sa candidature, Alain Delambre est prêt à tout, à emprunter de l’argent, à se disqualifier aux yeux de sa femme, de ses filles et même à participer à l’ultime épreuve de recrutement : un jeu de rôle sous la forme d’une prise d’otages.
Alain Delambre s’engage corps et âme dans cette lutte pour regagner sa dignité.
S’il se rendait soudain compte que les dés sont pipés, sa fureur serait sans limite.
Et le jeu de rôle pourrait alors tourner au jeu de massacre.
J'ai entendu beaucoup de bien de Pierre Lemaitre, en particulier pour son précédent livre Robe de marié, que je me suis empressée d'acheter à sa sortie en poche, mais les avis sur Cadres noirs semblaient plus mitigés. Ceux qui découvraient l'auteur l'ont apprécié, alors que ceux qui avaient adoré Robe de marié avaient l'air, en majorité, déçus. Je suppose que c'est parce que le thème abordé ici est bien différent et ne touche pas forcément le même public. En tout cas, ce livre m'intriguait, et par peur d'être déçue, j'ai préféré le lire en premier.
J'ai aimé dès le début l'écriture fluide et agréable de Pierre Lemaitre ainsi que son humour. Le thème abordé n'est pas simple et est profondément ancré dans la réalité. On parle de chômage, de l'enrichissement des plus grands et de la misère des plus faibles, de la difficulté à trouver un emploi, du fait que personne n'est à l'abri, qu'on peut se retrouver sans boulot, sans argent à tout moment. J'ai été touchée par la détresse d'Alain, par cet ancien cadre qui se retrouve obligé de cumuler les petits boulots sans en parler à sa femme, pour subvenir à leurs besoins. Alain veut seulement retrouver du travail et sa dignité. Il n'en peut plus d'être tous les jours confronté à sa vie misérable, à ses échecs, à sa cuisine lamentable qu'il n'a pas les moyens de changer, à ses enfants qu'il ne peut pas aider. Maintenant c'est sa fille qui l'invite au restaurant car il n'a pas les moyens de payer. Ils sont bien loin ses rêves et ses projets...
Le jour où il se fait botter les fesses par son supérieur, il n'en peut plus et réagit violemment. A partir de là commencent les mensonges, les secrets...
Le livre tourne autour du jeu de rôle dont on parle dans le résumé, et se décompose en trois parties : avant , pendant, après. Alain est le narrateur de la première et de la dernière partie, et c'est en grande partie, ce qui fait qu'on s'attache autant à lui. On partage ses souffrances, on voit sa vie de l'intérieur, à travers ses yeux à lui. On suit son parcours, ses rêves, ses espoirs, sa détresse. La deuxième partie est racontée par un autre personnage. C'est assez déstabilisant au début, car on ne le comprend pas forcément dès les premières lignes, et on s'était habitué aux mots d'Alain, mais ça permet de voir les choses d'un autre oeil, de prendre du recul pour mieux comprendre ce qui est en train de se passer. J'ai trouvé ce choix très judicieux.
J'ai aimé les personnages, Alain, sa famille, et Charles. Charles est un ange, un ami comme il n'en existe pas en vrai. Pour moi, une amitié aussi forte sans rien en retour c'est une utopie mais au milieu de toute cette réalité il apporte un peu d'air. C'est un homme qui n'attend rien de la vie. Il n'a rien à perdre, rien à gagner, il a juste envie de donner, d'aider, et d'avoir un rôle une fois dans sa vie. Il m'a profondément émue.
J'ai mis beaucoup de temps à lire ce livre. J'avais l'impression d'y passer des heures et des heures, et de ne pas avancer. J'en suis sortie vidée et lessivée mais finalement, même si la lecture a été longue, j'ai beaucoup apprécié ce livre. Le sujet est terrifiant car si proche de nous, de la réalité, de ce qui se passe autour de nous. Je pense que c'est ce qui en a dérouté plus d'un. Ici pas de tueur en série, pas de massacre, juste une histoire horriblement réaliste et actuelle. C'est un livre qui fait réfléchir et dont on ne sort pas indemne. Un grand merci à Laure qui a eu la gentillesse de me le prêter.
" L'amour n'est qu'une variante du chantage."
" - Une bonne copine?
- Ah oui, j'étais même sa meilleure copine. [...] Du genre de celles qui vous piquent votre fiancé. [...] D'ailleurs, je lui ai rendu un service. C'était un vrai con.
- Bah oui, mais c'était son con à elle."
" En fait, nous sommes tous les deux comme des boxeurs, nous devons notre réussite à la somme des coups de poing que nous avons pris dans la gueule. "
"Si tu veux tuer un homme, commence par lui donner ce qu'il espère le plus. Le plus souvent, ça suffit."
" Je l'ai souvent remarqué, les émotions fortes transfigurent les gens, comme si, dans les circonstances extrêmes, leur véritable visage, leur vrai moi remontait à la surface."
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(349 pages - Editions Calmann-Lévy - février 2010 - 18,50€)