A la grâce des hommes
(Burial rites)
Hannah Kent
Catégorie(s) : Littérature australienne - Drame - Historique
Edition / Collection : Presses de la cité
Date de parution : 15 mai 2014
Nombre de pages : 396
Prix : 21€
L'histoire :
Dans le nord de l'Islande, en 1829, Agnes Magnúsdóttir est condamnée à mort pour l'assassinat de son amant, Natan Ketilsson. En attendant que la sentence soit exécutée, Agnes Magnúsdóttir est placée en résidence surveillée à Kornsá, dans la ferme de l'agent de sécurité du canton, Jon Jonsson, avec sa femme et leurs deux filles. Horrifiées à l'idée d'héberger une criminelle, les membres de la famille évitent tout contact avec Agnes, qui leur inspire autant de peur que de dégoût. Seul Totti, le jeune révérend que la meurtrière a choisi comme guide spirituel pour la préparer à sa fin prochaine, tente de la comprendre. Alors que les mois passent, contraints de partager le quotidien, de travailler côte à côte cette terre gelée et hostile, le fermier et les siens se laissent peu à peu apprivoiser par la condamnée. Encouragée par le pasteur, Agnes livre le récit de sa vie, de son amour pour Natan, et des semaines qui ont conduit au drame, laissant entrevoir une vérité qui n'est pas forcément celle que tous pensaient connaître. Inspiré de la véritable histoire d'Agnes Magnúsdóttir, la dernière femme condamnée à mort en Islande, A la grâce des hommes est un roman sur la vérité, celle que nous croyons savoir et celle à laquelle nous voulons croire.
Merci à Babelio et aux éditions Presses de la cité.
A la grâce des hommes (Burial rites), qui s'inspire d'un fait réel, est le premier roman d'Hannah Kent, et si l'auteur est australienne, le récit se déroule en Islande, au XIXème siècle. L'auteur a choisi un sujet qui lui tient à coeur et sur lequel elle s'est documentée durant plusieurs années. Elle nous parle de l'islandaise Agnes Magnusdottir qui fût la dernière femme condamnée à mort en Islande. Si le roman est fictif, l'auteur a tissé son histoire à partir de ses recherches et beaucoup de personnages et de faits ont réellement existés. Quel pari risqué pour un premier roman ! Et pourtant l'auteur s'en sort haut la main et nous livre une histoire bouleversante qui a été traduite dans de nombreuses langues et a déjà reçu de prestigieux prix littéraires. Un succès que je trouve amplement mérité !
Au début du livre, Agnes Magnusdottir est déjà condamnée à mort et elle est sur le point d'être transférée dans une ferme jusqu'au jour de son exécution dont la date n'a pas encore été fixée. Tous les personnages semblent un peu dépassés par les événements, surtout qu'ils se retrouvent, pour la plupart, dans une situation qu'ils n'ont pas choisi. La famille chez qui la meurtrière est envoyée est en colère et effrayée de devoir accueillir cette diablesse, le jeune révérend qui doit lui rendre visite chaque jour se demande pourquoi il a été choisi et s'il arrivera à assurer cette fonction, quant à Agnes, personne ne lui demande son avis ni ne l'informe des changements qui vont avoir lieu.
Le récit est entrecoupé de nombreux documents : des lettres, des documents officiels, des poèmes et des chants islandais, des extraits de sagas, etc... Il y a également, au début du livre, des informations très utiles sur les patronymes islandais qui sont un peu complexes, une carte de l'Islande sur laquelle on retrouve les lieux dont il est question dans le roman ainsi qu'une note de l'auteur sur la façon dont on prononce les noms en islandais. C'est utile et très intéressant. On est en immersion totale dans l'Islande du XIXème siècle et ça fait froid dans le dos. Entre les enfants abandonnés, les servantes maltraitées, la misère, la mort, la faim, les maladies et le froid qui semble prêt à tout engloutir, il n'y a pas grand chose de réjouissant. Les hivers sont rigoureux et la population se raccroche de toutes ses forces à la religion et aux superstitions, priant pour échapper au diable. Les ombres sont partout. Les esprits des disparus semblent nous tendre les bras, près à nous emporter avec eux dans les eaux glaciales et noires de la mer.
L'auteur a réussi a créer une atmosphère incroyable dont on se sent presque prisonnier. Tout est sombre, glacial et oppressant. On a parfois l'impression de manquer d'air. Cette sensation est renforcée par la promiscuité forcée des personnages. Si vous vous imaginez qu'Agnes a été remisée dans une pièce à part fermée à double tours, détrompez-vous ! Tout le monde vit et dort dans la même pièce. Les gens s'observent, s'épient et il n'y a aucune intimité. Vous respirez la sueur et la crasse des autres, vous dormez dans les ronflements d'autrui et faites vos besoins devant eux en espérant qu'ils n'ouvrent pas les yeux... Même lorsqu'Agnes se confie, il y a toujours une oreille forcée d'entendre ses paroles même si elle n'en a pas envie. Et malgré, tout, quand on lit, on oublie parfois qu'il y a d'autres personnes à proximité, au moins jusqu'à ce que l'auteur vienne nous le rappeler, bouleversant ainsi les images qui s'étaient formées dans notre esprit et on a l'impression d'être, nous aussi, avec eux dans cette pièce. C'est assez déroutant comme expérience. Ce roman est un huis clos vraiment étrange et unique en son genre !
L'écriture de l'auteur est vraiment très belle. Parfois agressive, crue, mais souvent pleine de poésie, elle m'a fait penser à celle de Susan Fletcher que j'apprécie énormément. J'ai été totalement fascinée par cette histoire, incapable de reposer mon livre ou de me sortir Agnes et son histoire de l'esprit. Au fil des pages, Agnes se livre, revient sur sa vie dans cette Islande austère, glaciale et violente, nous parle de son enfance, des gens qu'elle a aimé, de ceux qu'elle a perdu. Elle nous livre ses rêves, ses espoirs et ses désillusions et on la découvre en même temps que l'on découvre les moeurs et ce que pouvait être la vie dans ce contexte. C'est un roman bouleversant que je n'oublierai pas de sitôt et que je vous recommande fortement si vous aimez les huis clos et/ou si vous êtes curieux de découvrir d'autres lieux, d'autres époques car je pense que l'auteur nous dévoile ici un visage de l'Islande du XIXème siècle qui doit être proche de la réalité, ce qui est encore plus effrayant...
En quelques mots :
Hannah Kent signe ici un premier roman violent et bouleversant qui nous enferme avec ses personnages dans un huis clos terrifiant et glaçant au coeur de l'Islande du XIXème siècle. Si le récit est fictif, il est inspiré de nombreux faits réels et sonne terriblement juste.
RDV ici pour lire quelques extraits de ce roman...