Le Doux venin des abeilles
(The Death of Bees)
de Lisa O'Donnell
Catégorie(s) : Drame - Littérature contemporaine écossaise
Edition / Collection : Michel Lafon
Date de parution : 7 février 2013
Nombre de pages : 362
Prix : 18,95€
L'histoire :
« Aujourd’hui, c’est la veille de Noël. Aujourd’hui, c’est mon anniversaire. Aujourd’hui, j’ai quinze ans. Aujourd’hui, j’ai enterré mes parents dans le jardin. Personne ne les regrettera. »
Après la mort brutale de leurs parents, Marnie, quinze ans, et sa petite sœur Nelly décident de poursuivre leur vie comme si de rien n’était, bien que chacune d’elle soupçonne l’autre de les avoir assassinés. Personne ne semble se douter de leur sort. Excepté Lennie, l’homme qui vit dans la maison voisine. À force d’observer leurs faits et gestes, il finit par remarquer que les deux jeunes filles sont livrées à elles-mêmes, et les prend sous son aile. Au fil des mois, amis, voisins et autorités – sans compter le dealer du coin qui en a toujours après leur père – commencent à poser des questions. Et un mensonge en entraînant un autre, Marnie et Nelly s’embourbent dans une aventure qui pourrait leur coûter bien plus qu’elles ne peuvent payer. D’une plume incisive et percutante, Lisa O’Donnell nous livre un roman à trois voix envoûtant et inoubliable. Le Doux venin des abeilles est l’histoire comiquement macabre d’âmes en perdition, dont le seul espoir de rédemption est de se tourner les unes vers les autres.
"Le Doux venin des abeilles" est un roman que je n'oublierai pas de sitôt. Un peu déstabilisant et dérangeant au début, on s'habitue très vite à l'écriture de l'auteur, à sa plume percutante et sans tabou. L'histoire nous est racontée par trois narrateurs et le roman est découpé en courts chapitres qui alternent les points de vue. On change ainsi de ton et de langage, suivant le narrateur. Cette construction m'a beaucoup plu car elle apporte de nouveaux éléments à l'histoire et permet également de mieux comprendre chaque personnage, ses secrets, ses envies et ses peurs.
Tout commence la veille de Noël, lorsque Marnie et Nelly décident d'enterrer les corps de leurs parents. Aucune des deux soeurs ne sait ce qu'il s'est passé et chacune soupçonne l'autre sans oser poser de question. Par peur d'être séparées par les services sociaux, les deux soeurs décident de ne rien dire à personne et de continuer leur vie comme si tout était "normal". Mais les filles n'ont jamais vraiment eu une vie normale... Elles ont grandi avec des parents drogués, incapables de s'occuper d'elles et préférant utiliser l'argent des aides pour acheter de la drogue plutôt que pour nourrir leurs enfants... C'est donc sans trop de mal qu'elles s'accommodent à leur nouvelle vie. Marnie, qui est loin d'être une enfant modèle, décide de travailler pour le revendeur de drogue à qui son père devait de l'argent. Les gens qui les entourent ne sont pas tellement curieux et ça ne les étonne pas plus que cela que Gene et Izzy soient partis en laissant leurs filles livrées à elles-mêmes. Le seul à s'en soucier, c'est Lennie, leur voisin qui n'a pas très bonne réputation dans le quartier et décide de prendre les deux soeurs sous son aile. Mais les choses sont loin d'être aussi simples. Un jour ou l'autre, il va falloir rendre des comptes. Les dealers veulent récupérer leur argent et les fantômes du passé ne sont jamais bien loin...
Cette histoire m'a captivée d'un bout à l'autre. L'auteur arrive à nous faire changer d'avis sur les personnages. On les trouve étranges et malsains au début et on finit par les adorer et par ne plus vouloir les quitter. Les deux soeurs sont très différentes mais le lien qui les unie est très fort. Marnie est dégourdie, ne mâche pas ses mots et fait souvent de mauvais choix. Drogue, alcool et sexe font partie de son quotidien depuis longtemps alors qu'elle n'a que quinze ans. Elle ne se soucie pas de ses études alors qu'elle a pourtant des capacités incroyables. Nelly est assez difficile à décrire. Tout le monde la trouve bizarre. Elle est assez solitaire, aime lire et jouer du violon et a un langage très soutenu qui lui donne l'air de venir d'une autre
époque et d'un autre milieu. Elle refuse de grandir et prend souvent ce qu'on lui dit au pied de la lettre bien qu'elle soit très intelligente.
Elle a des manies étranges et a parfois des réactions démesurées. Je me suis demandée à plusieurs reprises si elle n'avait pas le syndrome d'Asperger. Lennie, le troisième narrateur, est un vieil homo dont la réputation est ternie à jamais par sa condition et par une erreur commise dans le passé. Loin d'être le pervers que tout le monde décrit, c'est en fait un homme très seul qui souffre, est hanté par son passé et sa culpabilité et se meurt de n'avoir personne à qui offrir tout l'amour qu'il porte en lui. Trois êtres très différents mais qui vont s'apporter beaucoup et avancer ensemble.
J'ai été très touchée par ce roman. L'auteur nous montre que les apparences sont souvent trompeuses et que la vérité n'est pas toujours celle que l'on croit. Ce qui, au départ, est dramatique et devrait causer la perte des deux soeurs, va finalement les aider à se relever, à grandir et à prendre un nouveau départ. Il y a de jolies surprises dans ce roman. Des révélations que l'on ne s'attend pas à y trouver, de la lumière dans la noirceur, de l'espoir dans le malheur et des personnages qui se révèlent au fil des pages. On rit, on pleure, et on en redemande ! Lisa O'Donnell dresse, dans son premier roman, un portrait très sombre de la société actuelle et des banlieues écossaises. Tout le monde en prend pour son grade, y compris les classes sociales plus élevées qui semblent, en apparence, bien sous tous rapports. C'est une lecture bouleversante que je vous recommande fortement. La dernière phrase de la présentation de l'éditeur résumé parfaitement ce roman : "Le Doux venin des abeilles est l’histoire comiquement macabre d’âmes en perdition, dont le seul espoir de rédemption est de se tourner les unes vers les autres."