Eric Maneval
141 pages, éditions 10/18, novembre 2016
L'histoire :
Antoine a 8 ans. C’est la fin du mois d’août dans la Creuse. Il joue dans une rivière dangereuse lorsque des troncs d’arbres portés par le courant l’assomment. Il se réveille dans un fourgon en compagnie d’un inconnu qui lui apprend qu’il vient de lui sauver la vie. L’homme le dépose à l’hôpital de Limoges et disparaît. Vingt ans plus tard, Antoine est veilleur de nuit dans un centre pour ados. À la télévision, on reparle de l’affaire du « découpeur » suite à la découverte de nouveaux témoignages. Lors de la reconstitution de l’enquête, Antoine reconnaît dans un portrait-robot l’homme qui lui a sauvé la vie dans la rivière.
Mon avis :
Dès les premières lignes de "Retour à la nuit", j'ai été happée par l'écriture quasi hypnotique d'Eric Maneval et je me suis plongée dans cette histoire à corps perdu. Il y a d'abord cette scène qui, on le sait déjà, finira mal : des enfants insouciants qui jouent dangereusement dans l'eau sans même avoir conscience des risques qu'ils prennent. Jusqu'à l'accident qui prend une tournure inattendue et se termine finalement mieux que prévu mais étrangement tout de même. L'histoire reprend ensuite vingt ans plus tard. Antoine, que l'on connaît déjà, mène une existence tout à fait normale. Il travaille de nuit dans un foyer qui accueille des enfants et des adolescents malmenés par la vie et un peu paumés et il prend son rôle très à coeur. Chaque jour la même routine, le même rythme, les mêmes personnes croisées. Jusqu'à ce jour où une émission de télévision fait tout basculer et force Antoine à se replonger dans son passé et à remettre en cause ce qu'il croyait savoir. Pour le meilleur, et pour le pire...
Eric Maneval joue avec le lecteur, le balade, le manipule, le pousse à s'interroger et à tirer ses propres conclusions. C'est quelque chose qui peut dérouter, mais qui m'a beaucoup plu. Si le récit commence de manière classique, très vite, des petites choses étranges semées ça et là viennent semer le doute dans notre esprit. Et puis, il y a ce questionnement perpétuel sur le bien et le mal. Est-on vraiment mauvais si on fait de bonnes choses ? Peut-on être un héros et un monstre en même temps ? Les choses sont-elles forcément noires ou blanches ? J'ai aimé cette ambivalence permanente et cette atmosphère étrange et pesante qui s'installe au fil des pages. Cette façon d'aborder le passé, la souffrance, les secrets enfouis, les blessures de l'enfance qui ne guérissent jamais. C'est un récit vraiment troublant et déstabilisant qui ne ressemble à rien de ce que j'ai pu lire jusqu'à maintenant. La fin est frustrante, c'est vrai, mais ce roman ne me laisse pas une impression négative, loin de là. Il m'a vraiment remué et me laisse un sentiment étrange. Vertige, folie, cauchemar, terreurs enfantines, passé trouble, réminiscence, angoisse, mal-être, douleur... On navigue en eaux troubles entre réalité et cauchemar, entre bon et mauvais, entre bien et mal et on ne sait jamais de quel côté on est vraiment. Bluffant !
En quelques mots :
Un récit aussi déstabilisant que fascinant qui laisse une impression étrange. Une écriture hypnotique et percutante. J'ai beaucoup aimé.