(The Invention of Wings)
Sue Monk Kidd
Catégorie(s) : Drame - Roman historique - Littérature américaine
Edition / Collection : JC Lattès
Date de parution : 7 janvier 2015
Nombre de pages : 477
Prix : 22€
L'histoire :
Caroline du Sud, 1803.
Fille d’une riche famille de Charleston, Sarah Grimké sait dès le plus jeune âge qu’elle veut faire de grandes choses dans sa vie. Lorsque pour ses onze ans sa mère lui offre la petite Handful comme esclave personnelle, Sarah se dresse contre les horribles pratiques de telles servilité et inégalité, convictions qu’elle va nourrir tout au long de sa vie. Mais les limites imposées aux femmes écrasent ses ambitions. Une belle amitié nait entre les deux fillettes, Sarah et Handful, qui aspirent toutes deux à s’échapper de l’enceinte étouffante de la maison Grimké. À travers les années, à travers de nombreux obstacles, elles deviennent des jeunes femmes avides de liberté et d’indépendance, qui se battent pour affirmer leur droit de vivre et se faire une place dans le monde. Une superbe ode à l’espoir et à l’audace, les destins entrecroisés de deux personnages inoubliables !
Cela fait plusieurs heures que j'ai achevé la lecture de ce roman, mais pour tout vous dire, j'ai du mal à trouver les mots pour vous en parler. Ce roman est dense et intense. Il m'a tenu compagnie pendant dix jours et j'ai parfois senti le besoin de prendre du recul, de faire une pause, de lire autre chose. Pas parce que ce roman est mauvais, loin de là, mais parce qu'il me bouleversait. Quand je le refermais, j'étais encore avec Handful et Sarah. J'étais encore à Charleston. Et je pense que même maintenant que je l'ai refermé, j'y serai encore longtemps...
Ce ne sont pas quelques épisodes de la vie d'Handful et de Sarah que nous suivons, mais presque toute leur vie. On les voit grandir, passer de l'enfance à l'âge adulte et s'affirmer en tant qu'êtres humains, en tant que femmes. Même si l'une est esclave et l'autre issue d'une famille riche, ces deux jeunes filles ont beaucoup en commun. Elles étouffent et aspirent à une autre vie, à des changements. On a l'impression qu'elles n'ont jamais eu droit à l'insouciance et à l'innocence propres à l'enfance. Elles ont été trop tôt frappées par l'injustice omniprésente à leur époque. Elles ont toujours refusé de se soumettre à des lois qu'elles trouvent honteuses et révoltantes et n'ont pas hésité à franchir les limites, à se mettre en danger pour affirmer leurs convictions. Je dois l'avouer, je m'attendais à une amitié différente entre elles deux. J'ai regretté, au début de ma lecture, que les deux jeunes femmes ne soient pas plus proches et puis je me suis rendue compte que les choses n'auraient pas pu être autrement vu le contexte. L'auteur a visé juste et a rendu cette amitié crédible en créant une relation toute particulière faites de hauts et de bas, d'admiration et de reproches, d'amitié et de ressentiments.
Ce roman est aussi l'histoire de deux soeurs. Deux soeurs qui s'aiment et partagent les mêmes convictions. Deux soeurs qui plus que tout désirent mettre fin à l'injustice. Deux soeurs qui livrent un combat sans précédent et qui pour beaucoup est perdu d'avance. J'admire leur courage de se rebeller quitte à se mettre tout le monde à dos, à perdre des gens aimés en chemin, et à devoir renoncer à tous les privilèges qu'elles avaient jusqu'alors. Elles ne se battent pas seulement pour la liberté des esclaves, mais aussi pour la liberté des femmes. Pour qu'elles aient enfin le droit de penser par elles-mêmes, de s'exprimer, de choisir, de mener une carrière et qu'elles ne soient plus considérées comme inférieures aux hommes. J'ai tellement aimé la complicité et les échanges de ces deux soeurs. Elles se complètement à merveille et on a l'impression que lorsqu'elles sont ensemble, rien ni personne ne pourrait les arrêter. J'ai été très surprise de découvrir à la fin de l'ouvrage que ces soeurs avaient vraiment existé et qu'elles faisaient malheureusement partie de ces personnages oubliés de l'Histoire. "L'Invention des ailes" et bel et bien une fiction, mais une fiction qui se base sur des tas de faits véridiques, une adaptation libre mais inspirée de la vie des soeurs Grimké.
J'ai également été très touchée par l'amour qui unit Handful à sa maman. Ces deux-là sont vraiment des personnages inoubliables ! Elles n'ont pas leur langue dans leur poche ni froid aux yeux et elles sont très fusionnelles et s'aiment profondément. Le titre du livre a une importance toute particulière liée à l'histoire de la maman d'Handful. C'est un message d'espoir, un hymne à la liberté, une façon de garder en mémoire ses souvenirs, de donner son corps mais pas son âme. Il y a des personnages et des scènes que je n'oublierai jamais. Certaines choses nous semblent tellement réelles qu'on a l'impression d'y avoir assisté. Certaines images sont gravées dans ma mémoire. Sue Monk Kidd est une merveilleuse conteuse ! Quel roman, mais quel roman ! Quel bel hommage rendu aux femmes ! Parce que oui, c'est un livre sur l'esclavagisme, la foi, l'espoir, mais c'est aussi un roman sur les femmes. Cela m'a fait penser à toutes ces femmes de l'Histoire qui ont eu assez d'audace et de courage pour se battre pour leurs idées et qui ont largement contribué à nous offrir la vie que nous avons aujourd'hui.
En quelques mots :
Sue Monk Kidd nous offre un roman bouleversant et inoubliable, sombre et lumineux. Un véritable hommage rendu à ceux qui se sont battus pour l'abolition de l'esclavage et les droits des femmes ainsi qu'aux oubliés de l'Histoire.
A lire absolument !
Quelques extraits :
"Sarah était dans sa chambre avec le coeur tellement brisé que Binah disait qu'on l'entendait tinter quand elle marchait."
(page 181)
"Bon Dieu [...] Comment t'as pu me laisser avec rien d'autre que t'aimer et te détester et ça, ça va me tuer, et tu le sais parfaitement.
[...]
Croyez-moi, elle était dans chaque point que je faisais. Elle était dans le vent, dans la pluie et dans les couinements du fauteuil à bascule. Elle se perchait sur le mur avec les oiseaux et elle me regardait. Quand l'obscurité tombait, elle tombait avec."
(page 197)
"Les Blancs s'imaginent toujours qu'on s'intéresse à tout ce qui leur arrive, chaque fois qu'ils se cognent un orteil."
(page 231)