3 femmes et un fantôme
(A Greyhound of a Girl)
Roddy Doyle
Catégorie(s) : Littérature irlandaise / Roman contemporain
Edition / Collection : Flammarion / Tribal
Date de parution : 11 septembre 2013
Nombre de pages : 221
Prix : 11,50€
Dès 13 ans
Quatrième de couverture :
"Tout était silencieux. Scarlett conduisait. Mary regardait par la fenêtre. Sa grand-mère dormait ; elle savait que ce voyage était quelque chose d'unique. Quatre générations de femmes - je suis une femme, se disait Mary - sur la route pour une virée en voiture. L'une morte, l'une prête à mourir, l'une au volant, et la dernière pour qui tout ne faisait encore que commencer."
Mary ne se posait pas de questions sur le passé de sa famille. Mais quand le fantôme de son arrière-grand-mère vient lui taper sur l'épaule, c'est l'occasion pour la jeune fille de découvrir ses racines.
Parfois, il suffit juste de quelques lignes lues pour que l'on puisse affirmer qu'un livre va nous plaire et qu'il est fait pour nous. Ca m'arrive rarement, mais de temps en temps, il y a ce petit truc en plus, ce petit rien qui vous donne le sourire et vous savez tout de suite que ce livre ne sera pas vite lu, vite oublié, qu'il va vous offrir quelque chose et vous laisser un souvenir agréable. C'est l'impression que j'ai eu en ouvrant ce roman. J'ai tout de suite aimé Mary, petite fille à la langue bien pendue et au caractère bien trempé. Elle est intelligente, futée, courageuse et un peu effrontée. J'ai aimé la façon dont l'auteur nous la fait découvrir et nous fait rentrer dans son univers. "3 femmes et un fantôme" est un livre que l'on pourrait qualifier d'ascenseur émotionnel. On passe du rire aux larmes en un rien de temps et on ressort de cette lecture triste et joyeux à la fois, avec le coeur lourd et en même temps un sentiment de légèreté qui ne nous quitte pas. Il est de ces livres dont on ressort ému et optimiste, avec le sentiment d'avoir rencontré des gens formidables et gagné de merveilleux souvenirs. On a ensuite une irrésistible envie de croquer la vie à pleine dents et de profiter de chaque instant.
Ce n'est pas le road-trip que j'imaginais, car cette partie n'est finalement concentrée que sur très peu de pages, à la toute fin du roman. Ce roman, c'est avant tout la rencontre entre Mary, petite irlandaise de douze ans, et son arrière-grand-mère qu'elle n'a pas connu - ou plutôt son fantôme. Il est aussi question de l'Irlande, de vie à la ferme, de lévriers et de souvenirs d'enfance. Ce n'est pas un roman fantastique comme on en rencontre la plupart du temps. C'est surtout la rencontre entre plusieurs générations de femmes d'une même famille. Des femmes - Mary, Scarlett, Emer et Tansey - qui ont grandi à des époques très différentes, et qui ont pourtant beaucoup de choses en commun : un caractère bien trempé, beaucoup de curiosité et d'intelligence, un coeur immense et beaucoup d'amour à offrir. Le roman navigue entre passé et présent et nous découvrons l'enfance de ces femmes et leurs souvenirs dans la ferme familiale. On change de narrateur et de façon de parler suivant l'époque. L'auteur aborde la relation mère-fille, la maternité et la mort avec beaucoup de tendresse et de naturel. J'ai rarement été aussi touchée par un roman. Je peux vous dire que j'en ai versé des larmes... et en même temps, je n'ai pas arrêté de rire ! Même si le passé et la mort tiennent une place importante dans ce récit, c'est un roman plein de vie, de gaieté et d'humour. Les sujets les plus graves sont dédramatisés juste comme il faut - sans pour autant être minimisés - et même si la nostalgie est présente, elle ne devient pas pesante et le passé ne prend pas la place du présent. Ce roman est facile à lire, axé sur le dialogue, et très bien écrit. C'est un roman magnifique sur la vie des femmes, la maternité, l'amour, le temps qui passe et la vie qui continue malgré les douleurs et les peines. C'est l'une de mes plus belles découvertes. Un roman qui m'a fasciné dès le début et que je n'ai pas pu lâcher. Je sais que ces quatre femmes me hanteront longtemps, avec leurs histoires, leurs regrets, mais surtout leur joie de vivre et leur optimisme. Une belle leçon de vie !
"Il n'y avait rien de tel que les odeurs pour se souvenir. Toute sa vie, une odeur - par exemple en soulevant le couvercle d'une casserole, ou en enfonçant une pioche dans la terre ou en repliant un drap qui avait séché sur la haie - une odeur faisait revenir à sa mémoire des souvenirs et les pensées qui les accompagnaient, et ces pensées la ramenaient presque toujours à sa mère. (p72-73)
"Il ne faut jamais parler à des inconnus, lui avait-on répété.
- Mais c'est stupide, avait remarqué Mary quelques années plus tôt.
- Pourquoi stupide ? avait demandé sa mère.
- Tu connaissais papa quand tu lui as parlé, la première fois ?
- Non
- Alors, c'était un étranger.
- Mais...
- Et tu lui as parlé. Alors si, genre, on ne parlait pas aux étrangers, personne ne rencontrerait jamais personne, et les gens ne se marieraient plus et la race humaine, genre, cesserait d'exister.
- Mais ton père n'était pas un étranger.
- Mais si. Il l'était forcément.
- Il n'était pas étrange, en tout cas. Il était sympathique.
- Sympathique ? Les types sympathiques ce sont ceux dont il faut se méfier le plus. [...]" (p15)
En quelques mots :
Roddy Doyle nous livre un roman d'apprentissage court mais terriblement émouvant. Les personnages sont très attachants et le deuil est abordé avec pudeur et légèreté. Dans cette histoire qui met les femmes à l'honneur - mais qui a été écrite par un homme - on passe du rire aux larmes, sans arrêt. J'ai adoré les descriptions de l'Irlande, rurale et moderne, et la façon dont on navigue entre passé et présent. Une lecture magnifique et inoubliable, un roman à offrir à toutes les femmes.