Tout le cimetière en parle
de Marie-Ange Guillaume
Catégorie(s) : Littérature francophone
Edition / Collection : Points
Date de parution : 24 mai 2012
Nombre de pages : 107
Prix : 5,20€
L'histoire : Allô ! Ici L'opérateur funéraire. Achetez un cercueil en chêne massif avec finitions chromées à 2 767 euros, afin d'abriter éternellement votre dépouille, maquillée et habillée pour l'occasion. Ou celle de grand-père, échappé en douce de sa maison de retraite pour aller savourer un éclair au chocolat. La mort est partout... autant gagner de l'argent sur son dos ou se faire plaisir tant qu'on peut !
Il y a quelques années, je lisais beaucoup de recueils de nouvelles et puis ça m'est passé et je me tourne désormais plutôt vers les romans. Néanmoins, quand j'ai vu celui-ci, j'ai tout de suite été intriguée. J'ai toujours aimé l'humour noir, le cynisme et les textes un peu dérangeants. La mort est un sujet qui me fascine autant qu'il m'effraie alors je me suis dit que ça ne pouvait que me plaire et c'était l'occasion de renouer avec la nouvelle. Le début du recueil m'a laissé plutôt insensible. Je passais un bon moment, je souriais, mais je ne peux pas dire que je riais aux éclats comme je l'avais espéré ou que je ressentais une multitude d'émotions alors j'étais un peu déçue... Je ne sais pas si c'est une question de bon ou de mauvais moment, mais quand j'ai repris le livre un peu plus tard, j'ai tout de suite été emballée par les nouvelles suivantes et certaines m'ont vraiment beaucoup touché, notamment "Fait divers" que j'ai relu plusieurs fois et qui m'a beaucoup émue. A partir de là, je n'ai plus perçu le recueil de la même manière. J'ai ri, j'ai eu les larmes aux yeux et je me suis extasiée devant le génie de l'auteur qui arrive à exprimer des sentiments si justes. Les nouvelles se font écho et nous renvoient beaucoup d'émotions : des appels aux secours, des messages rassurants, une rage profonde, un sentiment d'injustice devant l'anéantissement de tout ce que l'on est, de tous nos rêves et de tout ce qu'on ne fera jamais mais aussi de l'humour et une bonne dose d'optimisme.
C'est un livre qui parle de la mort sous toutes ses formes et du temps qui passe. La perte d'un proche, le corps qui vieillit, la mort d'un animal de compagnie, les maladies dégénératives, l'impuissance de celui qui voit mourir un être cher, la souffrance de celui qui reste, la solitude de l'enfant qui ne sera jamais aussi parfait que son frère disparu, la mort comme nouveau départ,... La vision de la mort change d'une nouvelle à l'autre. On passe de la mélancolie au cynisme, de l'humour à la souffrance, du rire aux larmes. J'ai noté de nombreux passages que je trouve absolument magnifiques et d'une incroyable justesse. Ce recueil qui m'emballait moyennement au départ est finalement une très belle surprise, un récit tendre, drôle et émouvant qui permet de voir les choses autrement. C'est une lecture que je n'oublierai pas. Je me souviendrai encore longtemps du Vieil homme, de la Fable exotique et du Jeudi d'avril. Je m'attendais à un livre drôle - et c'est en partie le cas - mais ce que je retiendrai de ce recueil, ce sont surtout beaucoup d'émotions et une plume belle et mélancolique.
"Chaque mort embarque un morceau de moi plus ou moins conséquent. Certains emmènent quelques pique-niques, des vacances au soleil, des nuits éparpillées, un travail passionnément tricoté à deux, des rires (toujours) et des parties de cartes, quelques semaines, quelques heures. D'autres me volent des années entières - et un peu de mon âme. Et ça va continuer, jusqu'au moment où il ne me restera plus de ma si longue vie que quelques semaines - les disparus m'auront volé tout le reste, je n'aurais plus de passé et encore moins d'avenir, je ne serai plus qu'une solitude."
"Non, je ne veux pas. Non, je n'irai pas me décomposer toute seule dans une boîte, la tête sur un oreiller de satin blanc. Non, je ne partirai pas en vous laissant vivants, vous tous, avec votre tristesse trop passagère [...] Je ne vous laisserai pas avec vos apéros des soirs d'été et vos souffrances relatives. S'il le faut, je veux souffrir comme un chien, je veux me tordre de douleur - et vivre."
"Par prudence, de nobles âmes préconisent de savourer chaque jour comme si c'était le dernier. Chouette idée, j'ai essayé. Se lever à l'aube et contempler le dernier soleil de juin sur la dernière fleur en mâchant intensément la dernière tartine plongée dans le dernier café, c'est carrément crispant. On ne tient même pas jusqu'à la sieste (la dernière) et, vers 13h30, on décide de vivre dorénavant dans la futilité la plus venteuse. Comme on se gave de camembert au chocolat après une semaine de soupe au chou."
"Elle ne voulait pas aller regarder la mer. Elle s'en foutait de la mer. Elle voulait juste finir son livre pour savoir comment ça finissait, son histoire de bébé tigre sauvé par des braves gens qui tenaient un orphelinat en pleine brousse. Elle avait neuf ans et vivait déjà dans les livres, là où c'est beau. Ou moche, mais beaucoup moins chiant que la vraie vie."