Pierre noire
Chantal Forêt
Catégorie(s) : Roman contemporain / Littérature française
Edition / Collection : L'Archipel
Date de parution : 21 janvier 2015
Nombre de pages : 260
Prix : 17,95€
L'histoire :
Isabelle et Nicolas s'aimaient. Ils attendaient leur premier enfant. Ils avaient tout pour être heureux. Voilà ce que l'on disait dans le village où ce jeune couple sans histoire venait de s'installer. Jusqu'au jour où le hasard d'une promenade fait surgir entre eux une maison abandonnée, tapie dans les ronces. Nicolas se prend pour ces vieilles pierres d'une passion qu'Isabelle ne comprend ni ne partage. Il rêve de lui redonner vie ; elle éprouve une sourde angoisse à l'idée d'y passer le reste de ses jours. Alors, peu à peu, les promesses de bonheur s'envolent. Isabelle se laisse hanter par le secret que les murs de Pierre noire semblent enfermer. Et par le souvenir de Marie, ancienne propriétaire des lieux, une veuve de guerre ayant sombré dans la folie... Ne voient-ils pas, Isabelle et Nicolas, qu'au lieu de posséder Pierre noire c'est elle qui les possède ? Chantal Forêt suit leur destin d'une écriture en alerte, comme on observe le progrès d'un incendie sans pouvoir l'arrêter...
Très intriguée par sa quatrième de couverture, je me suis plongée dans ce roman en étant presque certaine qu'il allait me plaire et je ne me suis pas trompée ! J'ai tout de suite été emballée par l'écriture captivante de Chantal Forêt. Le récit s'ouvre sur un drame et l'on revient ensuite en arrière pour comprendre ce qui a pu se passer. On fait la connaissance de Nicolas et Isabelle, un couple dynamique et épanoui venu s'installer dans un petit village du bourbonnais à la suite d'une mutation. Ils s'adaptent rapidement à leur nouvelle vie calme et tranquille, loin des HLM qu'ils ont toujours connu. Les habitants du village, d'abord un peu méfiants, les acceptent rapidement et des liens se tissent au fil du temps.
Tout va pour le mieux jusqu'à ce que Nicolas, au cours d'une promenade, succombe au charme d'une vieille bicoque. A partir de ce moment, il n'a plus qu'une obsession : s'y installer et construire un petit nid douillet pour sa famille. Le bonheur les attend dans cet endroit, il en est persuadé. Le problème, c'est qu'Isabelle, déjà fragilisée par un triste événement, ne se sent pas du tout à l'aise dans ce lieu. Au contraire, Pierre noire l'effraie et la rebute. Elle tente d'en savoir plus sur cet endroit pour mieux comprendre son trouble et ce qu'elle apprend sur le passé de cette maison ne la rassure pas... Le problème, c'est que Nicolas, totalement hypnotisé par Pierre noire, ne se rend pas compte du malaise qu'éprouve sa femme. Bientôt, l'écart se creuse entre eux et l'on voit ce couple pourtant si amoureux s'étioler peu à peu...
Chantal Forêt est une merveilleuse conteuse. Elle arrive aussi bien à nous décrire les particularités de la vie dans un petit village, les relations entre les gens, que le mal-être d'Isabelle. Très vite, on se met à sa place et on se sent, comme elle, prisonnier de Pierre noire. L'auteur nous enferme dans cet endroit. L'atmosphère est tendue et étouffante et l'on en vient même à croire aux fantômes... Il y a une espèce de pessimisme réaliste qui est assez effrayant, comme si c'était la fatalité et qu'il y avait des choses contre lesquelles on ne pouvait pas lutter. C'est un roman qu'on a beaucoup de mal à reposer une fois qu'on l'a commencé. Et meme quand on ne le lit pas, il nous hante, nous possède, nous obsède. On a envie d'en savoir plus, de comprendre aussi bien les personnages que l'histoire de Pierre noire. Cet endroit exerce une fascination dérangeante et malsaine sur nous comme sur les personnages. On a autant envie de s'en approcher que de fuir à toute vitesse. J'ai adoré les sensations ressenties durant cette lecture. C'était troublant. Merci à Chantal Forêt pour ce huis clos remarquable et terrifiant.
En quelques mots :
Fascination, obsession, angoisse, folie, dépression,... Une chose est sûre, Pierre noire ne laissera personne indifférent !
Quelques extraits :
"Illusion d'un soir ! Supercherie ! Trompe-l'oeil ! Aucun miracle ne s'était produit.
Malgré l'importance bien réelle des travaux effectués, la propreté irréprochable des lieux, la maison était toujours la même. Elle n'avait pas plus changé qu'un visage ne change sous le maquillage. Toutes les rénovations du monde n'en effaceraient par les tourments passés, l'atmosphère lugubre. Il ne servirait à rien de repeindre en blanc ces murs qui chuintaient de tristesse. C'était mettre un masque joyeux sur grimaces et pleurs."
"Après l'agitation parisienne, il lui faut réapprendre le calme lénifiant du village, cette torpeur que la mauvaise saison aggrave, cet immobilisme des êtres et des choses qui ressemble à de la fidélité, cette paix qui vous recouvre tel un manteau douillet, mais un peu trop lourd... Cette atmosphère qui sait si bien renvoyer à ceux qui vivent là, l'écho de leurs joies ou de leurs peines."
"Quelquefois, le fil de la vie nous échappe comme une corde qui se dérobe, nous glisse entre les mains avant même qu'on ait eu le temps de la saisir, de s'y accrocher."
"Les meilleurs moments de la vie s'usent d'eux-mêmes sans que l'on n'y puisse rien."