Moi, Jennifer Strange, dernière tueuse de dragons
( The Last dragonslayer )
de Jasper Fforde
Editeur : Fleuve noir
Collection : Territoires
Date de parution : juin 2011
Nombre de pages : 295
Prix : 15,90€
L'histoire : Depuis que Jennifer Strange, 15 ans, a été choisie pour tuer le dernier dragon, elle est la personnalité la plus célèbre de tout le paix. Armée de son épée Exhorbitus, elle décide d'aller d'abord discuter avec la créature mythique. Car les raisons de sa missions sont bien moins nobles qu'elle ne le pensait...
"A une époque, j'ai été célèbre. On a vu ma tête sur des T-shirts, des badges, des tasses à thé et des posters. J'ai fait la une des journaux, je suis passée à la télé, et j'ai même été invitée au Yogi Baird Show. Le Quotidien des Palourdes m'a proclamée " L'adolescente la plus remarquable de l'année" et j'ai été élue femme de l'année par Mollusque-Dimanche. On a deux fois essayé de me tuer, on m'a menacée de la prison, j'ai reçue seize demandes en mariage et j'ai été déclarée hors la loi par le roi Snodd. Tout cela, et plus encore, et en moins d'une semaine. Je m'appelle Jennifer Strange"
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Je suis passée par plusieurs étapes à la lecture de ce livre et ce qui est certain c'est que je m'en souviendrai... J'ai été déstabilisée par les premières pages, je n'y comprenais absolument rien, les noms étaient tous plus compliqués les uns que les autres et ça m'a fait un peu peur. J'avais l'impression de me retrouver dans un pays inconnu sans en parler la langue et sans avoir de guide touristique. Une fois cette petite période d'adaptation passée, je me suis demandée si ce livre n'était pas une grosse farce ou une sorte de parodie des romans qui sortent actuellement et même s'il y a effectivement un peu de ça, j'ai réussi à rentrer dans l'histoire et dans cet univers décalé jusqu'à ne plus vouloir en sortir...
Je m'attendais, à la lecture du résumé, à ce que l'histoire se déroule dans notre monde et à ce qu'une lycéenne découvre du jour au lendemain l'existence des dragons ainsi que son rôle, ce qui explique en partie ma surprise. En fait, si l'histoire se déroule bien au XXIème siècle, le monde décrit est bien différent du nôtre. La magie est omniprésente, on croise des sorciers et des mages un peu partout, d'où la citation tirée du Sunday Times présente sur la quatrième de couverture : "Un J.K. Rowling pour les grands !" Même si je ne suis pas d'accord et n'aime pas du tout les comparaisons de ce genre, je dois avouer que certains passages m'y ont fait un peu penser. Il y a des sortilèges amusants, tels qu'un ascenseur qui aspire. Il vous suffit de vous y jeter en criant le nom de l'étage souhaité pour vous y retrouver. Sympa, non?! Pour vous en dire un peu plus sur l'histoire sans trop en dévoiler, Jennifer est une jeune orpheline de bientôt seize ans qui a été recueillie plus jeune par des soeurs et doit, pour payer sa dette, travailler quelques années à l'Agence d'Arts Mystiques Kazam. Cette agence loue à des entreprises et à des particuliers, les services de sorciers pour effectuer toutes sortes de tâches : travaux de plomberie, installation d'un système électrique, ... Jennifer cotoie donc tout un tas de mages et est confrontée à des situations rocambolesques. Tout va pour le mieux jusqu'au jour où une prémonition vient tout chambouler : Maltcassion, le dernier dragon va mourir. Un pacte ancestral - que je ne vous révelerai pas - effectué entre les dragons et les hommes et cette effroyable prémonition vont entrainer des chamboulements importants et faire ressortir les plus grands défauts de l'humanité... Je reste volontairement très vague car il est important de découvrir tout ça durant la lecture, la quatrième de couverture en dévoile déjà beaucoup.
Passé un petit temps d'adaptation pour me familiariser avec le style de l'auteur et cet univers si décalé, je n'ai plus réussi à reposer ce livre. Je pense qu'il s'en est fallu de peu pour que je passe complètement à côté mais je me suis laissée emporter et j'ai adoré ce voyage aussi drôle qu'émouvant. Je n'avais jamais rien lu de Jasper Fforde avant, mais j'avais entendu parler de son style et de son humour et s'il est clair que ce livre ne plaira pas à tout le monde, j'ai vraiment beaucoup aimé. L'humour tient une grande place dans ce roman, et par ce biais, l'auteur nous fait réfléchir et dénonce les défauts de l'Homme, ce qui fait que même si le fantastique est omniprésent, ce livre a quelque chose de réel, de proche du monde tel que nous le connaissons. Si cette histoire devait nous arriver, il est évident que les choses se passeraient de cette façon...
En conclusion, après un début assez perturbant et effrayant, j'ai adoré ce livre. J'ai apprécié les personnages, l'humour et le côté décalé. L'histoire ne manque pas de rebondissements, il n'y a pas de temps-morts, peu de longueurs, et l'auteur arrive d'une façon remarquable à dénoncer des tendances et manières de penser actuelles au travers d'une histoire loufoque et en apparence bien différente de notre monde. Il n'est pas forcément aisé de rentrer dans l'univers de Jasper Fforde, mais une fois dedans on ne veut plus en sortir. Je remercie les éditions Territoires sans qui je n'aurais peut-être pas découvert ce livre.
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Le roman est truffé de petites perles, de personnages fascinants, d'explications logiques et amusantes, de jeux de mots, de métaphores et de comparaisons étonnantes. En voici quelques exemples :
"La magie est partout. Elle imprègne le matériau du monde, elle en dégouline sous forme de coïncidence, de destin, de hasard, de chance et ainsi de suite. Le gros problème, c'est d'arriver à en tirer quelque chose d'utile."
"J'ai contemplé la Dragonie déserte puis les gens qui continuaient d'affluer, répondant à l'appel de l'argent en une espèce d'instinct grégaire profondément enraciné. Le lait de la bonté humaine était en train de cailler."
"La personne qu'il te faut contacter, c'est William d'Anorak, a-t-elle affirmé. Un enfant trouvé, comme toi, doublé d'un homme remarquable, à l'intellect aiguisé, qui a gâché son cerveau en absorbant des millions de faits et de chiffres sans les assimiler pour rien en faire d'utile. C'est une encyclopédie vivante des faits qu'on n'a pas besoin de connaître, comme les horaires de train d'il y a dix ans, la superficie de la Norvège ou le nom du candidat qui a perdu les élections présidentielles de 1923 à Mausoleum. C'est une source de connaissances inutiles et de chiffres qui ennuient à mort quiconque s'en approche mais, si quelqu'un peut répondre à ta question, c'est lui."
4/5