Les Heures lointaines
( The Distant hours )
de Kate Morton
Catégorie(s) : Littérature australienne
Edition / collection : Presses de la cité
Date de parution : 1er juin 2011
Nombre de pages : 633
Prix : 22,50€
L'histoire : Lorsqu'elle reçoit un courrier en provenance du Kent qui aurait dû lui arriver cinquante ans auparavant, Meredith Burchill révèle à sa fille Edie un épisode de sa vie qu'elle avait gardé secret jusqu'alors. En septembre 1939, comme beaucoup d'autres enfants, Meredith avait été évacuée de Londres et mise à l'abri à la campagne. Recueillie par des aristocrates du Kent dans le château de Milderhurst, elle était devenue l'amie de l'excentrique et talentueuse Juniper, la cadette de la famille.
Pourquoi Meredith a-t-elle dissimulé son passé à sa propre fille ? Et pourquoi n'est-elle pas restée en contact avec Juniper, devenue folle après avoir été abandonnée par son fiancé ? Afin de reconstituer le puzzle de son histoire familiale, Edie se rend au château de Milderhurst dont les vieilles pierres cachent plus d'un secret.
"Elle avait l'impression d'être un personnage de fiction échappé par miracle du livre dans lequel son créateur l'avait détenu, avec autant de bonté que de détermination. Elle avait trouvé une paire de ciseaux, découpé un trou dans la page, et se retrouvait à présent au milieu d'un récit infiniment plus bruyant, plus sale et plus endiablé. Mais ô combien délectable !"
C'est encore profondément émue et imprégnée de l'atmosphère envoûtante de Milderhurst Castle que j'écris ce billet et je sais déjà que les mots vont me manquer pour parler de tout ce que j'ai ressenti à la lecture de ce livre. J'avais, depuis longtemps, envie de découvrir les romans de Kate Morton mais en toute honnêteté, le nombre de pages de chaque roman me faisait un peu peur... Le hasard a finalement bien fait les choses puisque c'est dans le cadre d'une lecture "obligatoire" que j'ai dû me plonger dans Les Heures lointaines, et même si ce livre m'attirait, j'étais loin de me douter qu'il allait me captiver à ce point. Je sais que je ne taris pas d'éloges en ce moment. Il est vrai que mes dernières lectures m'ont enthousiasmé, mais je dois dire que mon amour pour ce livre n'a vraiment rien à voir avec un bon moment de lecture. Les Heures lointaines m'a charmé, m'a bouleversé et fait partie de ces livres que je n'oublierai jamais. Il m'a rappelé tous les grands livres qui ont fait battre mon coeur à vive allure et que j'ai eu envie de relire encore et encore sans jamais m'en lasser. J'ai tout aimé dans ce livre : l'histoire, l'écriture, les réflexions sur la vie, les personnages et le lieu si énigmatique et fascinant qui prend encore plus de place que les personnages car il est le coeur de tout. J'ai savouré chaque mot de l'auteure, me délectant de ses expressions, de ses réflexions si justes. J'ai toujours aimé prendre des notes, noter les passages qui m'interpellaient, mais j'ai bien vite arrêté car c'est bien simple, j'avais envie de tout noter. Je lis assez vite mais j'ai pris beaucoup de temps à lire ce roman car je n'arrêtais pas de revenir en arrière, de m'extasier devant certains passages et de me perdre dans mes pensées en imaginant la vie à Milderhurst Castle. La construction de ce roman est absolument parfaite et bluffante avec des changements de narrateur et de points de vue, des flash back et des révélations qui arrivent toujours à point nommé. Kate Morton est une brillante conteuse qui nous entraîne dans un brillant jeu de piste. On croit avoir deviné le fin mot de l'histoire mais nos hypothèses et certitudes volent en éclat tout au long du roman. Et que dire de cette atmosphère si envoûtante qui ne vous quitte plus même lorsque vous reposez le livre...
"Le bonheur ne vous tombe pas du ciel ; il faut aller le chercher."
Je pense qu'il est mieux de ne pas trop en dire sur ce que raconte Les Heures lointaines car il est agréable de la découvrir au fil des pages. Je m'étais faite une idée de ce que pouvait être l'histoire mais j'avais focalisé toute mon attention sur cette lettre arrivée à destination cinquante ans plus tard et comme j'avais déjà lu des romans sur des sujets similaires, j'avais peur que ça ait un goût de déjà-vu. J'étais loin de me douter de toutes ces merveilleuses et inquiétantes histoires que renferme ce roman. Car il n'y a pas une histoire dans ce livre mais des tas. C'est comme s'il y avait plusieurs romans dans le roman et c'est le cas de le dire puisque l'auteure nous offre aussi une merveilleuse mise en abyme. Il y a dans Les Heures lointaines une certaine nostalgie d'un temps révolu. L'auteure se passionne pour l'époque victorienne, ce qui explique cela. J'ai été fascinée par toutes ses réflexions sur le passé. On découvre Milderhurst Castle bien après ces heures de gloire et ce château nous apparaît comme une beauté fanée. Ce n'est plus qu'un tas de pierres qui tombe en ruine et pourtant il y a dans ce lieu tant d'histoires et de mystères. Les fantômes du passé sont là, impalpables, on a le sentiment qu'ils vont surgir d'un seul coup et que l'histoire va prendre tout à coup des allures de roman fantastique. On sent aussi tout le poids de la guerre et toutes les vies qu'elle a brisé. C'est assez curieux comme référence mais j'ai parfois pensé au film "Les Autres" avec Nicole Kidman qui vit dans une immense demeure vide. Le passé tient une place tellement importante qu'on a l'impression de le sentir. Les descriptions de l'auteur sont si précises qu'on a l'impression de sentir la moindre odeur, de suivre les personnages, d'être avec eux dans les lieux qu'ils visitent. Kate Morton a un don incroyable pour emmener le lecteur là où elle le souhaite.
"Le monde était un jeu de cartes battu et redistribué par la guerre : les gens, les possessions, les sentiments. Il n'y avait plus de voie unique, de certitude."
J'ai également été très sensible aux nombreux passages faisant référence aux mots. Il est souvent question de l'amour des mots, du plaisir de lire et d'écrire. La plupart des personnages de ce roman sont de grands littéraires et aiment par dessus tout dévorer de belles histoires ou écrire ce qu'ils ressentent. Les références sont nombreuses et m'ont donné envie de découvrir de grands classiques de la littérature anglaise. Les soeurs Blythe sont aussi fascinantes que terrifiantes. Seraphina est aussi douce que Persephone est sèche et presque misanthrope. Juniper, quant à elle, est désordonnée, passionnée, intrigante et se moque totalement du regard des autres. Elles vont se révéler, au fil du roman, être très surprenantes. J'avais pris des tas de notes pour vous parler plus en détails des personnages de ce roman mais après réflexion, je ne vais pas le faire. Le charme de ce livre réside vraiment dans sa découverte et j'ai pris tellement de plaisir à découvrir tout cela que je ne voudrais pas gâcher le vôtre. Par contre, si vous l'avez lu ou si vous le lisez, je serais ravie qu'on en discute un peu plus. J'ai tellement aimé ce livre que j'ai déjà envie de le relire malgré ses 633 pages. Oui, 633 pages mais dans tout cela rien n'est à enlever. Aucune longueur, aucun passage en trop à mon goût, juste un merveilleux voyage empreint de mélancolie où légendes, secrets de famille, amour et mots se font la part belle. Je pourrais en parler encore des heures mais je vais m'arrêter là en vous conseillant fortement de découvrir ce livre qui, je peux le dire sans hésiter, est devenu mon roman préféré tant il m'a emporté. Mon plus gros coup de coeur, assurément. Il est inutile de vous dire que je compte lire les autres romans de Kate Morton.
"C'est que j'en ai bien peu, des amis, du moins du côté des vivants. N'y voyez pas un constat désespéré ou lugubre : simplement, je ne suis pas de celles qui collectionnent les relations et sont à leur aise dans les soirées mondaines. J'aime les mots, pourvu qu'ils ne soient pas dits mais écrits. Ah, si toutes les relations pouvaient se mener par le seul truchement du papier ! Quel bonheur ! Dans mon cas, ce n'est pas seulement un vain souhait : des amis, j'en ai des centaines, qui vivent à l'abri des couvertures de livre, baignant dans l'encre splendide des pages, des histoires qui se déroulent toujours de la même façon sans jamais perdre de leur éclat. Innombrables compagnons qui me prennent par la main, me font franchir le seuil de leur maison et me conduisent en des mondes de sublimes terreurs et de profonde extase. Ils ne déçoivent jamais, sont toujours présents, jamais ennuyeux, parfois de bon conseil - mais quand il s'agit de vous héberger un mois ou deux, histoire de vous dépanner, ils ne peuvent pas faire grand chose, hélas."
"Des années auparavant - des siècles auparavant, lui sembla-t-il -, papa leur avait proposé, dans l'un de ses défis littéraires, le mot "nostalgie". Il leur avait lu la définition : "regret douloureusement aigu des choses du passé". Curieux sentiment, s'était alors dit Percy avec la certitude naïve de la jeunesse. Pourquoi vouloir revivre les lieux et les moments du passé, quand vous attendaient, intacts, les mystères du futur ?"