Quatrième de couverture :
Se réfugier derrière un café fumant, ou dans la « seconde vie », dans les livres et les rêves. Songer au temps qui passe plus vite qu’une cigarette ne se consume. Surtout, raconter des histoires : un chauffeur de taxi qui récite Baudelaire, un déjeuner à treize convives, une fillette qui devient aphone. Des histoires poignantes, loufoques, anodines, et qui disent tout.
" Je me demande où elle est,
où est-on quand on lit ?
Elle est seule au monde. "
" Un livre lumineux, sorte de manifeste littéraire d'une romancière au sommet de son art. "
Le Journal du dimanche
Mon avis :
Comment parler de ce livre ? Par où commencer ? Ce qui est indéniable, c'est qu'il ne ressemble à aucun autre. Il est découpé en petites histoires de quelques pages, parfois même quelques lignes. Je m'attendais à un recueil de nouvelles mais ça n'y ressemble pas. Les histoires sont des petits morceaux de vie piochés ici et là. On retrouve souvent les mêmes personnages, mais pas toujours. Si j'ai été séduite par l'écriture dès les premières pages, j'ai eu bien du mal à rentrer dans ce livre. Pour être honnête, je suis arrivée péniblement à la moitié en me disant que si ça n'avait pas été un partenariat je l'aurais déjà laissé tomber. J'ai mis beaucoup de temps à le lire, je lisais une petite histoire de temps en temps mais sans conviction. Et puis j'ai lu quelques critiques positives dont le très joli billet de L'Or des chambres qui m'a donné envie de m'accrocher. Et là... miracle?! J'ai à peine repris le livre que j'étais déjà dedans. Ca m'a fait rire, sourire et j'ai trouvé les mots magnifiques. Pour tout vous dire, ça m'a tellement plu que j'ai décidé de le relire depuis le début. Et là encore, j'ai été surprise de voir à quel point les pages défilaient rapidement, à quel point les mots étaient justes et beaux. Ce livre qui m'ennuyait au plus haut point est finalement un coup de coeur ! C'est effrayant de se dire qu'il y a des moments où on passe à côté d'un livre juste parce qu'on ne l'a pas lu au bon moment. On en parle souvent, mais pour moi, ça n'a jamais été aussi véridique qu'avec ce livre !
Geneviève Brisac écrit merveilleusement bien et je suis totalement d'accord avec l'avis publié dans le Journal du dimanche sur la quatrième de couverture. Le style et la forme du livre sont déconcertants au début mais terriblement séduisants par la suite. C'est un livre très original et vraiment marquant. En lisant certaines histoires, je me suis dit "Mais où va t'elle chercher tout cela?", mais je me suis reconnue dans la plupart d'entre elles. Certaines sont vraiment touchantes, notamment celles où on retrouve Nils, un adorable petit garçon. Elles sont toutes criantes de vérité et nous confrontent à notre propre vie, à nos souvenirs, à nos angoisses, à nos rêves. J'ai beaucoup aimé les contes de fées revisités et je suis tombée amoureuse de certaines phrases que j'ai lues et relues un nombre incalculable de fois. En plus d'être pleines de réflexion et d'intelligence, ces petites histoires sont parfois à mourir de rire. Que demander de plus ? Si vous n'êtes toujours pas convaincus, je vous invite à découvrir quelques passages qui, je l'espère, achèveront de vous convaincre...
Je remercie le forum et les éditions pour cette magnifique découverte.
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" Il fait gris, l'automne est là, la lumière s'enfuit.
Comment réveiller le monde ? m'a demandé Arnaud.
Il avait cette fougue que je regrette souvent, je fouille mes poches, je me demande où elle est passée. Et je me dis : comment me réveiller moi ? Il y a des jours, des semaines entières où l'on ne se réveille pas.
Et il va de soi que si vous ne pouvez vous réveiller vous-même, il est bien prétentieux de songer - même une seconde, même pour rire - à réveiller le monde, même une seule fois, et d'une seule façon.
Je cherche ma façon. [...] Mais j'ai l'impression que le monde ne va, once more, pas avoir envie de se réveiller. "
" Je suis opposée à cette banalisation de l'emploi des femmes de ménage, quel que soit le nom qu'on leur donne, assistante ménagère, aide à domicile, esclave, salariée, bonne, ramasseuse des déchets de nos vies lamentables et pasteurisées. Pourquoi un être humain devrait-il faire appel à un autre être humain pour laver le sol qu'il a taché, repasser le linge qu'il a froissé, éplucher les légumes qu'il va manger, recoudre les tissus qu'il a déchirés, oui, pourquoi, et quelle différence cela fait-il avec toutes les anciennes pratiques esclavagistes que nous vomissons ?"
" Lire le journal en buvant un café fait exister le monde."
" Je vois nos vies, ce qu'il en reste. Du pain et des rêves, il ne reste que croûtons et cauchemars."
" Partons sur les routes, je chante une chanson de marche qui me ragaillardit, ensemble nous avons marché, marché le long des routes, ensemble nous avons cherché. Je ne sais plus ce qu'on cherchait, la révolution, le bruit de nos voix, le charme de nos slogans creux, ensemble, cela n'a pas grande importance, des fleurs aux creux des vallons sans doute, je volette entre les murs jaunâtres, ils ne nous auront pas. On peut encore s'enfuir, il faut que je pense à le dire à Ramon. La cuisine sent une odeur de rouille, comme si des artichauts avaient mijoté pendant des semaines. Je cherche des bouts d'âme abandonnés par les anciens occupants. Une variété humaine, me semble t-il , aux besoins en oxygène extrêmement réduits."
" J'ai fui dans un autre quartier, j'ai changé mes habitudes, comme on fait quand on fuit un amour : on prend soin d'éviter les lieux qui l'évoquent, les allées où l'on a marché sans savoir son bonheur, les ruelles où l'on a échangé des baisers. Les cafés où l'on a échangé les insultes définitives.
Je connais des gens, à force, ils ne peuvent plus aller nulle part, tout lieu corrompu et empoisonné par d'anciennes amours. "
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(270 pages - éditions Points - 11 mars 2010 - 7€)
ATTENTION : Ce livre existe également sous le titre 52 ou la seconde vie