La fille de son père
de Anne Berest
Catégorie(s) : Roman contemporain francophone
Edition / Collection : Points
Date de parution : 18 août 2011
Nombre de pages : 145
Prix : 6€
L'histoire : Dans le rétroviseur, Albert regarde ses trois petites filles rousses. Elles n'ont plus que lui au monde. Trente ans plus tard, trois jeunes femmes rousses se serrent sur la banquette arrière, en route pour un dîner d'anniversaire. Souvenirs, rancoeurs et secrets ressurgissent : leur mère a aimé un autre homme... Toutes trois sont rousses, mais sont-elles soeurs ?
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Albert a trois filles : Irène, fleuriste, mariée, deux enfants, Charlie, la petite dernière un peu garçonne et puis "celle du milieu", la narratrice un peu paumée qui prend la vie comme elle vient sans trop savoir où elle va. Elles ont perdu leur mère lorsqu'elles étaient petites et ont du mal à accepter celle qui semble avoir pris sa place dans le coeur de leur père, surtout Irène qui vient de fêter ses trente-huit ans et sera maintenant chaque jour plus vieille que leur mère. Lassée de vivre dans l'ombre d'une morte, la belle-mère laisse éclater sa rancoeur : "Elle dit qu'elle en a marre de nous. De notre égoïsme. Que nous sommes des mal élevées. Des hyènes. Marre de notre père, qui est un lâche. Elle n'en peut plus, d'entendre parler de nous, toujours nous. Nous, nous. Les filles. Et puis Martine. Toujours Martine. Qui n'était pas une sainte, parce que, faire un enfant avec un autre et ne rien dire à personne, c'est quand même pas des comportements de Vierge Marie. " Dès lors, Irène n'a plus qu'une idée en tête : rencontrer son père, le vrai.
En voilà un beau premier roman ! L'auteur aborde sans fausse pudeur un sujet bien délicat et porte un regard doux-amer sur la famille. Beaucoup de cynisme et d'humour dans cette histoire pleine de drames. Souvenirs, secrets, disputes, réflexions, révélations : tout y est pour accrocher le lecteur sans pour autant tomber dans le cliché. Le ton est juste et émouvant sans jamais être larmoyant. J'ai aimé suivre cette famille, partager leurs souvenirs bons et mauvais et malgré la brièveté du roman on s'attache à eux. Le livre est découpé en plusieurs parties racontant des moments clés de cette histoire. Il y a des scènes vraiment cultes, notamment celle du repas de Noël, terrible et pourtant plus vraie que nature. J'ai aimé le regard critique que porte la narratrice même si je ne partage pas toujours ses idées. Les réflexions sur la paternité et la fraternité sont très intéressantes : "[...] qu'est-ce qu'un spermatozoïde? Qu'est-ce que c'est, à côté des nuits d'inquiétude ? A côté des joies ? Des heures passées ensemble ?" Tranches de vies, petits moments d'infiltration dans la vie d'une famille qui, comme les autres, a ses secrets. J'ai beaucoup aimé.