La Dernière pluie
(Parantaja)
de Antti Tuomainen
Catégorie(s) : Thriller - Littérature finlandaise
Edition / Collection : Fleuve Noir
Date de parution : 11 avril 2013
Nombre de pages : 231
Prix : 18,90€
L'histoire :
À Helsinki, les changements climatiques sont si violents que la plupart des habitants ont fui la ville. Tapani est resté chez lui. Deux jours avant Noël, sa femme Johanna, une journaliste de renom, disparaît. Tapani se lance dans une recherche frénétique. Il est persuadé que sa disparition n est pas étrangère à ses récentes recherches sur un serial killer aux motivations politiques surnommé « le Guérisseur ». Mais en fouillant dans le travail de sa femme, il découvre des secrets sur son passé qui la relient aux meurtres sur lesquels elle enquêtait... Tapani est prêt à tout pour retrouver l amour de sa vie quels que soient les secrets de son passé.
Antti Tuomainen est un auteur de roman policier finlandais qui a déjà conquis le nord de l'Europe avec ses trois romans unanimement salués par la critique, et celui-ci, le premier traduit en français, a d'ailleurs reçu le prix Clue Award pour le meilleur roman policier finlandais en 2011.
La grande force de ce roman est sans aucun doute l'atmosphère dans laquelle nous plonge l'auteur dès les premières pages. On comprend rapidement que l'histoire ne se déroule pas de nos jours, mais dans un futur proche terriblement sombre. L'Europe est dévastée par des dérèglements climatiques sans précédent, des réfugiés de toutes nationalités ont envahi la Finlande dans l'espoir d'y trouver de quoi vivre mais le constat est accablant. La pauvreté est partout, les gens n'ont plus de travail, à peine de quoi se nourrir. Les magasins sont totalement désertés voire abandonnés, conséquence de cette terrible crise économique qui fait rage. De terribles maladies refont surface or il n'y a personne pour les soigner et la police n'est même plus en mesure d'assurer la sécurité car il n'y a plus de personnel. Ce tableau totalement noir et terrifiant est pourtant d'un grand réalisme. C'est parfaitement crédible. On n'a pas du tout le sentiment de lire quelque chose de fictif, cette vie terrifiante ne semble pas si loin de la nôtre et c'est justement ce qui est le plus effrayant...
C'est dans ce contexte et sous une pluie qui ne s'arrête jamais que l'on rencontre Tapani, qui s'inquiète de ne pas avoir de nouvelles de sa femme, Johanna, une journaliste qui enquêtait sur une affaire liée à un serial killer. Quelque chose cloche et Tapani le sait. Jamais sa femme ne serait partie sans le prévenir. Malheureusement pour lui, le rédacteur en chef du journal pour lequel travaillait Johanna ainsi que la police ne lui sont pas d'une grande aide. C'est donc tout seul que Tapani va mener l'enquête et découvrir des pans de la vie de sa femme qu'il était loin de soupçonner. Mais connaît-on vraiment les gens que l'on aime ?
J'ai vraiment adoré l'ambiance de ce roman. Elle m'a semblé étrange et déconcertante au début car l'auteur ne nous fournit pas beaucoup d'indications concernant le contexte (il n'y a aucune date), mais on se prend rapidement au jeu et on s'y croirait. On a l'impression d'être prisonnier de cette grisaille, de tout ce pessimisme et de cette pluie qui n'en finit pas. C'est oppressant, angoissant et vraiment terrifiant. J'ai beaucoup apprécié l'écriture de l'auteur, sarcastique et poétique à la fois. Il y a des passages d'une noirceur terrible et d'autres - notamment lorsque Tapani se plonge dans ses souvenirs - d'une beauté troublante. Il arrive à rendre de petits détails, de petits instants du quotidien infiniment précieux. On sent tout l'amour que Tapani porte à sa femme. On suit avec curiosité et fascination l'enquête qu'il mène ne sachant pas très bien où l'auteur veut nous emmener et pourtant, la fin est tellement logique, tellement évidente quand on y pense... Elle est le fruit d'un lent cheminement, d'une prise de conscience terrible mais légitime. C'est un récit vraiment troublant et très bien construit.
Je trouve que ce polar nordique réunit les ingrédients qui font le succès de ce genre tout en étant très original. Chapeau ! C'est noir, glacial, lent sans pour autant traîner en longueur, et l'on tourne la dernière page le souffle court. C'est terriblement sombre, pessimiste, oppressant et dérangeant. J'espère sincèrement que notre monde ne va pas devenir tel qu'il est décrit dans ce livre car ça fait vraiment froid dans le dos...
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"Pour moi, continuer d'écrire signifiait continuer de vivre. Et non pas parce que je m'imaginais trouver des lecteurs. Les gens essayaient de survivre au jour le jour, et cela n'avait pas grand chose à voir avec la poésie. Mes raisons étaient parfaitement égoïstes.
L'écriture m'apportait au quotidien une ligne à suivre. Les mots, les phrases et les vers maintenaient dans ma vie l'ordre qui avait disparu de notre monde. Ecrire empêchait le lien fragile entre passé, présent et futur de se rompre."
"- Tant que tu pensais savoir tout ce que tu devais savoir, tu étais satisfait. Là tu t'aperçois que tu ne sais pas tout, et ça te fait mal. On devrait toujours se demander si on veut vraiment tout savoir. Ne serait-ce que sur son épouse."