L'été des lucioles
Gilles Paris
Catégorie(s) : Littérature francophone
Edition / Collection : Héloïse d'Ormesson / Un balcon sur la mer
Date de parution : 23 janvier 2013
Nombre de pages : 222
Prix : 17€
L'histoire :
Du haut de ses neuf ans, Victor a quelques certitudes : c'est parce que François, son père, n'ouvre pas son courrier qui s'amoncelle dans un placard que ses parents ne vivent plus ensemble ; c'est parce que Claire et Pilar adorent regarder des mélos tout en mangeant du pop-corn qu'elles sont heureuses ensemble. Et c'est parce que les adultes n'aiment pas descendre les poubelles au local peint en vert qu'il a rencontré son meilleur ami Gaspard.
Les vacances au Cap-Martin, cet été-là, seront pour Victor et son copain Gaspard l'occasion de partir à l'aventure sur l'étroit chemin des douaniers qui surplombe la côte. En guidant les garçons jusqu'aux passages secrets menant aux somptueuses villas, papillons, baronne et jumeaux feront bien plus que leur ouvrir la porte des jardins enchantés.
Un voyage au pays de l'enfance qui déborde d'émotion et de tendresse.
J'ai découvert Gilles Paris avec son précédent roman "Au pays des kangourous" qui m'avait beaucoup plu, et j'ai ensuite dévoré ses autres livres. Ses romans me font le même effet que ceux de Barbara Constantine. Je trouve qu'ils abordent tous deux des sujets graves mais avec beaucoup de finesse et de légèreté. Il y a toujours beaucoup de candeur et une naïveté très touchante dans leurs romans et on en sort à chaque fois, le coeur léger et le sourire aux lèvres, avec de merveilleux souvenirs que l'on conservera longtemps.
Dans ce roman, nous faisons la connaissance de Victor qui est le narrateur. Il a neuf ans, un papa qui refuse de grandir, deux mamans, une soeur adolescente et des questions plein la tête. Victor vit à Bourg-en-Bresse où sa maman tient une librairie, mais il passe ses vacances au Cap-Martin dans une maison de famille héritée d'une tante qu'il n'a pas connu. Un endroit où son père refuse de mettre les pieds sans en expliquer la raison. Dans cet endroit chargé d'Histoire, près de somptueuses villas pleines de secrets, Victor va vivre un été inoubliable...
J'ai souvent du mal avec les auteurs qui tentent de se faire passer pour des enfants car je trouve que ça sonne souvent faux. On n'y retrouve pas cette innocence, cette naïveté propre à l'enfance, et c'est encore pire quand l'auteur s'essaie au langage "djeun's" car là ça devient encore moins crédible. Mais Gilles Paris n'est pas de ceux-là. Il arrive, avec une facilité déconcertante et beaucoup de finesse, à se glisser dans la peau d'un enfant. A nous parler avec ses mots, à nous faire ressentir ses émotions, à nous faire voir les choses avec ses yeux. On a vraiment l'impression que l'histoire nous est racontée par un enfant. Un enfant qui aurait en lui la magie des mots et le pouvoir de les faire s'envoler comme les petits papillons qui semblent attirés par le petit héros de ce roman.
J'ai tellement aimé ce roman que je ne sais pas par où commencer. Il y a d'abord cette mère qui passe son temps à lire et tient même un blog. Forcément, je me suis reconnue un peu en elle, même si je n'ai pas le même âge ni la même histoire. Ca m'a bien plu de pouvoir m'identifier à elle. Il y a cette complicité silencieuse et pleine de tendresse qui unit Pilar et la mère de Victor. Il y a aussi le cadre et le contexte qui m'ont beaucoup plu. Ca sent bon le sable chaud et les souvenirs de vacances, les bains de soleil, les jeux dans l'eau, les premiers amours, l'amitié, la limonade, les longues soirées d'été, les glaces au chocolat et les tartines de confiture. C'est un roman rempli de couleurs, d'odeurs et de saveurs. Une véritable petite madeleine de Proust qui nous fait retourner en enfance le temps de quelques heures. Il y a aussi ce mystère qui plane et ces jeux interdits qui procurent aux enfants ce goût d'aventure et de liberté auquel ils aspirent. Il y a ces personnages qui se cherchent, ceux qui ont peur de grandir, ceux qui aimeraient avancer mais sont prisonniers de leur passé, les éternels romantiques et les rêveurs. Il y a ce petit côté magique qui apporte encore un petit quelque chose en plus et puis Victor qui observe le monde avec étonnement et fascination. Il y a beaucoup de justesse et de pertinence dans ses propos, une grande sagesse qui pourtant ne semble pas fausse dans la bouche d'un enfant mais, au contraire, toute naturelle. Il voit ce que les adultes ne voient pas, arrive à déceler ce qui manque à chacun pour atteindre le bonheur. C'est un petit bonhomme attendrissant et adorable que l'on voit grandir et s'épanouir le temps d'un été.
Je me suis attachée à tous les personnages de cette histoire. J'ai adoré Victor, bien sûr, mais aussi ses parents et même sa soeur qui pourtant m'agaçait terriblement au début du roman, car Gilles Paris nous invite à regarder au-delà des apparences. On ne peut pas prétendre connaître les gens. On ne sait pas ce qu'ils ont vécu avant, ce qui les a poussé à devenir ce qu'ils sont ni les secrets et les douleurs qu'ils ont en eux. J'ai beaucoup aimé la belle histoire d'amitié que l'on voit naître entre Victor et la baronne malgré leur différence d'âge. J'ai adoré Pilar, son naturel, sa gentillesse et j'ai été émue de découvrir son histoire et ce passé qui l'empêche d'avancer. On parle beaucoup d'art et de moyens d'expression dans ce roman, que ce soit dans l'écriture de Victor, dans la peinture de Pilar, dans la musique évoquée, dans l'architecture des villas ou dans les romans que dévore la maman de Victor. Et je ne parle pas de la poésie des mots. C'est si beau ! Je ne peux que vous recommander chaleureusement ce roman qui m'a fait passer un délicieux moment. Pour tout vous dire, j'ai passé un si bon moment que je n'ai pas envie de commencer un autre livre, pour le moment. Je voudrais rester au Cap-Martin, garder Victor et les lucioles encore un peu avec moi et m'endormir en faisant de doux rêves de nuits d'été et de souvenirs d'enfance.
En quelques mots :
Gilles Paris nous livre un roman estival lumineux et envoûtant, plein de magie et de mystère, d'insouciance et de candeur. Une très belle lecture, pleine d'émotions, que je recommande fortement. On se retrouve plongé au coeur de l'enfance, dans des souvenirs de vacances qui pourraient être les nôtres.
Quelques citations et extraits :
(Je n'ai pas arrêté de prendre des notes durant ma lecture et j'ai noté tellement de passages qu'il m'a été difficile de faire un choix. J'espère que ça vous donnera envie de lire ce roman, si mon avis ne vous a pas convaincu...)
"Maman adore Peter Pan. Elle dit que Papa lui ressemble un peu, la magie en moins." (page 38)
"Dans une de ses peintures, Pilar a peint sa maison d'enfance à Capilla del Senor, avec un toit rose et des tas de volets fermés. On dirait que personne n'y vit, ou que tout le monde dort encore. Rien ne traîne sur la terrasse qui descend en escalier de chaque côté jusqu'au jardin. De belles roses rouges grimpent le long des murs comme si leur parfum devait réveiller les dormeurs. L'herbe est verte, de la couleur des volets fermés, bien coupée, et la rosée du matin ressemble à des petites perles d'eau. Mais la première chose qu'on voit dans ce tableau est au milieu du jardin, la seule présence presque humaine, un gant blanc oublié au centre du tableau." (page 41)
"Juste après le déjeuner, je cours jusqu'au chemin des douaniers. Enfin, j'essaye. Si j'avais des ailes, je pourrais voler au-dessus des marches et surtout des racines qui retiennent mes pieds comme des pièges pour enfants trop pressés." (page 98)
"Avant de retourner à ses pinceaux, Pilar a préparé un café chaud, des tartines encore tièdes dans le grille-pain, et nos oranges pressées dans des verres à moutarde sur la table de la cuisine. En m'attendant, Maman a commencé un nouveau livre. Je ne lui demande jamais de quoi ça parle, surtout quand elle est en train de lire. Sinon elle me regarde avec ses yeux de maman fâchée qui ne sait plus où elle en est. Moi, si je le fais, c'est parce que je veux être sûr qu'elle m'aime toujours, plus que tous ces livres qui prennent tout son temps. Des fois, j'aimerais être un roman pour ne plus quitter sa main. " (page 113)
"Je me demande ce qu'aurait été la vie de maman sans les livres. [...] Elle vit toutes ces vies comme les siennes, traversant les siècles et les pays, en suivant des yeux cette encre noire qui fait battre son coeur et parfois la fait sangloter. Moi, je pleure quand je tombe de vélo. Un vrai bobo qui se voit, lui, avec mercurochrome et sparadrap. Maman verse une larme pour un personnage qui n'existe pas, sauf dans la tête d'un écrivain. Le pansement de maman est un carré de chocolat ou une cuillère de dulce de leche qu'elle avale avec ses larmes." (page 114)
"L'émotion est comme un ascenseur qui n'arrête pas de monter. Il n'y a que les larmes pour le faire redescendre." (page 114)
"On se laisse tomber tous les trois à genoux sur nos serviettes, puis sur le dos, bras écartés, les yeux en tirelire à cause du soleil tout là-haut." (page 137)
"Lire, c'est un refuge pour se cacher des autres. Moi, tous ces mots me donnent parfois le tournis. Et j'ai trop peur de tomber à l'intérieur de ces pages qui racontent souvent le malheur du monde. C'est comme écouter de la musique classique. C'est beau, mais ça me rend triste." (page 171)