Des bleus au coeur
( Black Heart Blue )
de Louisa Reid
Catégorie(s) : Littérature anglaise - Drame
Edition / Collection : Plon & Plon jeunesse
Date de parution : 10 mai 2012
Nombre de pages : 316
Prix : 17,90€
L'histoire : Rebecca et Hephzibah sont soeurs jumelles. Elles viennent d'entrer au lycée, c'est la première fois qu'elles ont le droit de sortir. Ce qu'elles partagent : un secret terrible, des parents violents et l'envie de s'enfuir. Une seule d'elles réussira, mais jusqu'au bout elles resteront unies : le reflet l'une de l'autre dans le miroir, l'une dans la lumière, l'autre dans l'ombre.
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"Aujourd'hui, ils m'ont obligée à aller à l'enterrement de ma soeur." C'est sur ces mots que commence ce roman. Les chapitres alternent deux points de vue, celui d'Hephzi "avant" et celui de Rebecca "après" et nous découvrons avec horreur l'enfer qu'ont vécu ces deux soeurs. Elles sont scolarisés pour la première fois à seize ans suite à un malentendu. Hephzi y voit une chance de pouvoir enfin découvrir le monde extérieur alors que Rebecca est plus réservée et ne trouve pas sa place. Elles sont soeurs jumelles mais tout, ou presque, les oppose. Hephzi est belle, joyeuse et pleine de rêves alors que Rebecca est beaucoup plus renfermée et solitaire. Il faut dire aussi que la jeune fille manque de confiance en elle, ce qui peut se comprendre quand on connait son histoire. Elle souffre du syndrome de Treacher Collins, une malformation du visage et elle a grandi avec une image d'elle-même vraiment atroce, celle que lui renvoyaient ses parents. Les deux jeunes filles ont eu une enfance que je ne souhaite à personne. Avant de commencer ce livre, je ne m'attendais pas à une histoire très gai mais j'étais loin d'imaginer que la lecture serait aussi éprouvante. Pas éprouvante dans le sens où on l'entend d'habitude. Je ne me suis pas ennuyée, loin de là, mais je crois qu'aucun roman ne m'a retourné le coeur à ce point. J'ai beaucoup pleuré à la lecture de ce livre. Les personnages sont plus vrais que nature et j'ai eu l'impression de lire un témoignage. J'ai été bouleversée par toute cette histoire. J'y ai pensé nuit et jour et je peux vous assurer que ce n'est pas le genre de roman que l'on oublie.
"J'avais tellement envie de les haïr que ce désir me faisait plus mal encore que tout le reste."
Rebecca et Hepzibah ont été maltraitées physiquement et moralement et ne connaissent rien d'autre. Elles ont vécu les seize premières années de leur vie enfermées dans un presbytère avec un père alcoolique et violent et une mère soumise et haineuse. Quand je dis "enfermées", elles n'ont pas été séquestrées mais elles n'ont eu aucune liberté. Pas de jeux, pas de détente, pas de privilège. Leur vie se résume a aider leur père, à l'écouter, à prier, à faire le ménage et à se repentir. Elles ont été exploitées et ont eu une vision de la vie totalement éronnée et censurée. Elles ne connaissent pas les petits plaisirs des filles de leur âge : faire la grasse matinée, lire des livres, avoir des amis, manger un carreau de chocolat,... Elles ont tout de même une vague idée du bonheur, entrevu furtivement lors des rares moments de détente passés avec leur grand-mère. Le pire dans tout cela, c'est que personne n'a rien vu (ou a décidé de fermer les yeux...). Le père passe pour un homme bon, un honorable religieux qui aime son prochain et dévoue sa vie aux autres et à Dieu. Il est admiré par tous ses fidèles et ils forment tous les quatre une famille modèle aux yeux des autres. Comme il y a eu quelques questions à ce sujet, je préfère le préciser dans ce billet. Il n'est pas question de secte. Le père est un vicaire "reconnu" et c'est d'autant plus effrayant car on se méfie des sectes mais beaucoup moins de ce qui se passe au sein des religions "admises". Les filles n'ont jamais osé se révolter par crainte des représailles et parce qu'elles ne savent finalement pas grand chose de ce que peut-être une vie normale. Elles ne s'imaginent pas que quelqu'un pourrait les croire, les défendre et pire encore s'opposer à leur père. Alors elles subissent, jour après jour la violence et la haine de ceux qui devraient normalement les aimer et les protéger. Leur entrée au lycée leur permet de s'échapper le temps de quelques heures. Hephzi essaie de se faire des amis et de devenir populaire pendant que Rebecca s'isole à la bibliothèque et découvre le monde en s'évadant dans des romans.
J'ai hésité avant de classer ce livre dans mes coups de coeur car ça peut paraître étrange d'avoir un coup de coeur pour une histoire aussi sordide, mais j'ai rarement été aussi bouleversée et révoltée par un livre et si vous avez le coeur bien accroché, je vous le recommande fortement. Ce n'est pas qu'un constat des horreurs que peuvent entraîner la folie de certaines personnes, c'est aussi un roman plein d'espoir et d'optimisme. Le sujet est magnifiquement traité et la fin est superbe. C'est un livre que je n'oublierai jamais, j'en suis certaine. Louisa Reid a fait vraiment très fort car c'est, en plus, son premier roman. Rebecca et Hephzibah me hanteront longtemps... C'est anecdotique, mais je trouve la couverture de la VO (celle avec le parapluie) magnifique et pleine d'émotions. Elle correspond parfaitement au roman.
"Je me suis frayé un chemin jusqu'au fond de la bibliothèque pour reprendre mes lectures à l'endroit où je les avais interrompues, à mi-chemin des C. J'étais déterminée à lire chaque livre de chaque étagère, mais cela prenait beaucoup de temps. Je ne pouvais pas ramener de romans chez moi et le seul moment où je pouvais lire dans la bibliothèque, c'était pendant mes pauses-déjeuner ou pendant ces étranges moments de battements entre les cours. Mais j'étais déterminée à ne pas abandonner. Une fois transportée jusqu'aux Haut de Hurlevent ou dans le coeur de Los Angeles, j'étais heureuse, mon monde s'éloignait, et pendant quarante minutes la réalité flottait en suspens, quelque part au-dessus de l'école, comme un ballon noir attendant que sonne la cloche pour éclater."
"Des parents comme les nôtres, somme toute. Des fous camouflés sous des vêtements anodins, qui affichaient des sourires et rassemblaient de l'argent pour de grandes causes. Des fous qui s'agenouillaient pour prier et qui, une fois à l'abri, calfeutrés derrière les portes de leurs maisons, tombaient le masque et libéraient tout leur poison."
Ce livre est sorti simultanément dans les catégories jeunesse et adulte des éditions PLON.