À poings fermés (Amélie Antoine)

Amélie Antoine

297 pages, éditions Syros, avril 2023

Présentation de l'éditeur :

Avant, Gaspard était heureux à Paris avec ses parents. Depuis qu'ils se sont séparés, il vit seul à Brest avec sa mère qui croule sous le travail, tandis que son père refait sa vie dans leur ancien appartement. Un jour, pour impressionner une fille, Gaspard désobéit au vieil homme qui balaie la cour de son nouveau collège. Ce balayeur se met alors à hanter toutes ses nuits, qui se transforment en cauchemars. Gaspard est-il victime d'une malédiction ?

Mon avis :

 Lorsque je croise un roman d'Amélie Antoine, je fonce les yeux fermés. Peu importe le thème abordé ou si ce livre s'adresse aux adultes ou à un lectorat plus jeune, je sais que je ne serai pas déçue. L'histoire de Gaspard m'a fait frissonner, a su me surprendre et me secouer bien plus que je ne l'imaginais.

 Tout démarre pourtant assez tranquillement et le roman aborde un sujet que l'on retrouve souvent dans les romans jeunesse : la séparation des parents. Mais Amélie Antoine est Amélie Antoine. Si vous connaissez un peu son univers, vous savez qu'elle ne va pas se contenter de nous narrer une histoire dans laquelle le personnage principal, secoué par cet évènement inattendu, va se faire à l'idée et accepter peu à peu la situation. Non, loin de là, bien au contraire. Elle va nous montrer à quel point ce changement, souvent minimisé en littérature et dans la vie réelle, va bouleverser notre héros.

 En plus de voir son univers voler en éclats Gaspard déménage et quitte ses amis et tout ce qui faisait son quotidien. Sa mère est accaparée par son nouveau travail et n'a pas beaucoup de temps à lui consacrer. Son père se trouve rapidement une nouvelle famille qu'il installe sans tarder dans leur ancien appartement et semble accepter l'idée de voir son fils uniquement pour les vacances. Même son meilleur ami semble s'être rapidement fait à l'idée de son départ. Tout le monde attend de lui qu'il fasse l'effort d'accepter les choses et reprenne une vie normale. Gaspard est en colère. Il se sent seul, perdu, abandonné. Il n'a plus de repères. Cela en fait la proie idéal pour quelqu'un de mal intentionné, avide de vengeance...

 Suite à un malencontreux incident avec le balayeur de son collège, Gaspard ne dort plus. A ses journées déjà moroses s'ajoutent des nuits angoissantes qu'il redoute. On assiste à la descente aux enfers de ce jeune garçon, dans l'indifférence générale ou presque, puisque ses parents, trop pris par leur quotidien, ne voient même pas que leur fils est en train de sombrer.

On est totalement immergé dans une atmosphère angoissante et terrifiante. Dépression, cauchemars, troubles du sommeil, anxiété. Que c'est sombre ! Il y a du Stephen King là-dedans, assurément, mais aussi du Maupassant. Il y a les nuits épouvantables et cauchemardesques de Gaspard mais il y a aussi ses journées qui ne sont pas non plus des plus réjouissantes. Le jeune garçon se sent de plus en plus insignifiant et a de moins en moins envie de lutter pour sauver sa peau. On voudrait tellement pouvoir lui venir en aide mais on est impuissant. Cela m'a bouleversé de ne pouvoir rien faire et de voir l'entourage ne se douter de rien. J'ai ressenti la même chose qu'à la lecture de "Raisons obscures" qui m'avait tant remué.

 Ce n'est pas un livre comme les autres. Il y a du fantastique, de l'épouvante mais aussi et surtout un contexte particulier, un mal-être et un malaise qui ne font que croître et qui nous laissent penser que tout cela finira mal. Il y a plusieurs lectures, plusieurs interprétations possibles et si j'ai aimé et été profondément touchée par ce livre je dois avouer que je ne suis pas sûre de le recommander à mes enfants. Je pense qu'il n'est pas à mettre entre toutes les mains. Je me suis sentie tellement triste et déprimée en tournant la dernière page. Ce n'est pas un livre qui laisse indifférent ou que l'on oublie, ou peut être que ça dépend juste de la sensibilité et de l'empathie de chacun, mais moi il m'a vraiment perturbé et je le déconseille à ceux qui n'ont pas le moral. Je suis, comme toujours, bluffée par la force et le pouvoir des mots d'Amélie Antoine. J'ai lu très peu de livres aussi noirs, effrayants et perturbants.

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