Marion Brunet
272 pages, Albin Michel, janvier 2018
L'histoire :
Fuir leur petite ville du Midi, ses lotissements, son quotidien morne : Jo et Céline, deux sœurs de quinze et seize ans, errent entre fêtes foraines, centres commerciaux et descentes nocturnes dans les piscines des villas cossues de la région. Trop jeunes pour renoncer à leurs rêves et suivre le chemin des parents qui triment pour payer les traites de leur pavillon.
Mais, le temps d’un été, Céline se retrouve au cœur d’un drame qui fait voler en éclats la famille et libère la rage sourde d’un père impatient d’en découdre avec le premier venu, surtout s’il n’est pas « comme eux ».
Mon avis :
J'ai beaucoup entendu parler et vu passer sur les blogs les romans de Marion Brunet. J'étais curieuse et impatiente de découvrir sa plume et le moins que l'on puisse dire est que je ne suis pas du tout déçue... Il y a des auteurs qui vous happent dès les premières lignes, vous malmènent et vous bousculent en vous laissant totalement impuissants, meurtris et fascinés en même temps. Marion Brunet est incontestablement de ceux-là.
L'été circulaire est un roman noir qui ne se lit pas mais se dévore. Une fois commencé, il est impossible de le reposer. Et pourtant, qu'est-ce que c'est sombre ! L'atmosphère est lourde et pesante du début à la fin et on sait qu'on n'en sortira pas indemne. Pas de happy end ici. C'est cru, glauque, déprimant et en même temps tellement juste... Ces gens qui se débattent pour se sortir de leur condition modeste, entrevoient la lumière, et finalement retombent au plus bas et semblent condamnés à suivre le même schéma que leurs parents alors qu'ils pensaient faire tout le contraire. C'est comme s'il y avait une sorte de malédiction, une voie sans issue, un cercle infernal, quelque chose qui les empêchait quoi qu'ils fassent d'avoir une vie meilleure et d'être heureux. La manière dont l'auteure décrit cette fatalité inexorable m'a coupé le souffle.
Les vies ratées, le désenchantement, la honte, la rage, la perte d'espoir, les études bâclées, la sexualité précoce, les coups qui pleuvent, la rudesse des mots, le manque de tendresse, la colère, le sentiment d'injustice, la dureté du travail, la brutalité et l'argent qui manque cruellement.c'est tout cela que l'on retrouve dans ce roman. Il y a aussi cette haine de l'autre : de celui qui est différent, de celui qui a plus, de celui qui n'a pas su nous tirer de là ou nous protéger... L'auteure aborde également avec beaucoup de justesse et sans fausse pudeur la sexualité chez les adolescents et le passage à l'âge adulte ainsi que le temps qui passe, les désillusions des adultes qui voient leurs rêves s'envoler, leurs regrets les ronger peu à peu et leurs corps se faner sans pouvoir revenir en arrière. A aucun moment je n'ai senti de jugement. C'est plus un constat implacable, une fenêtre ouverte sur cette réalité là, qui rend le sujet encore bien plus ardent.
J'ai ressenti énormément d'émotions en lisant ce livre et c'est assurément une lecture que je n'oublierai jamais. Ce serait mentir que de vous dire que ce livre m'a fait du bien ou m'a donné le sourire. Il est évident qu'il ne plaira pas à tout le monde tant il est dur et dérangeant, mais j'aime aussi quand un livre me secoue, me révolte, me pousse là où je n'ai pas envie d'aller quand c'est bien fait et pour une cause juste et c'est évidemment le cas ici. Cette jeunesse qui semble perdue dès le début, qui s'accroche désespérément à ce qu'elle pense être la lumière et des petits bouts de bonheur sans en comprendre les conséquences m'a fendu le cœur. C'est un roman qui remue. Une vraie claque !
J'ai hâte de lire d'autres romans de Marion Brunet. Avez-vous lu celui-ci ? M'en conseillez-vous d'autres ?