Virginie Delage
238 pages, éditions Michel Lafon, février 2020
Quatrième de couverture :
Finalement, je ne sais pas ce qui a déclenché tout ça. Son regard, à lui. Ses yeux, à elle. Ou le gosse ? Le gosse me demandant : "Tu viens nous aider ?"
J'ai la rage, soudain. Tout ça, c'est à cause de lui. Uniquement à cause de lui. Voilà pourquoi je m'apprête à faire une chose que je n'aurais jamais pensé faire, moi qui ne suis pas un violent. Dans quelques minutes, je vais tuer cet homme. "
Les villages de l'adolescence sont parfois dangereux, quand on les revisite, des années plus tard, et qu'on se confronte à ses rêves de jeunesse...
Mon avis :
Je viens tout juste de refermer ce roman et il fallait absolument que je note tout de suite mes impressions, que je vous en parle « à chaud » car il m’a surprise, m’a bousculée, a fait valser mes certitudes et pour ne rien vous cacher, j’ai adoré ça ! J’en ressors complètement chamboulée et pas forcément au top de l’optimisme, mais j’aime quand un livre me fait cet effet-là ! J'aime quand un roman me surprend et celui-là frappe là où on ne l'attend pas.
Je vais rester volontairement évasive car pour une fois la quatrième de couverture ne nous en dit pas trop et je pense qu’il est bien de se plonger dans cette histoire sans trop savoir à quoi s’attendre. Ce que je peux vous dire, en revanche, c’est qu'il dit beaucoup sur le monde d'aujourd'hui et sur notre société. L’auteure s’amuse avec nous. Elle nous attrape dès les premières pages de son livre et nous entraîne dans deux histoires qui ne se ressemblent pas mais qui nous tiennent toutes les deux en haleine. L'un des personnages semble marqué par son enfance et n'arrive pas à s'en détacher tandis que l'autre ne jure que par l'avenir, les objectifs à atteindre et la réussite. L’écriture est fluide et percutante. Les pages se dévorent en un rien de temps. Je me suis posée des tonnes de questions, j’ai envisagé des tas de possibilités, j’ai cherché des indices, je me suis perdue, j’ai douté, je me suis replongée dans mes souvenirs et ça a été une lecture hyper stimulante !
Il y a tant à dire sur ce livre et en même temps il faut vraiment le découvrir par soi-même. J’aimerais en parler avec quelqu’un qui l’a lu, savoir s’il en tire les mêmes leçons que moi. Là où l’auteure fait très fort, je trouve, c’est qu’elle nous offre un thriller psychologique hyper prenant dans un univers (ou plutôt deux) très précis qui pourtant font écho à nos propres vies même si nous n’avons aucune ressemblance avec les personnages et ce qu’ils ont vécu. On gratte là où ça fait mal. On creuse ces petites blessures que l'on croyait cicatrisées mais qui sont encore là, bien au chaud sous une couche de vernis qui fait illusion mais ne nous protège pas. J'aime ce qu'il nous montre et ce qu'il nous dit sur nos choix, notre ascension et le sens de tout cela. On s'interroge sur ce qu'aurait pu être notre vie si nous avions pris d'autres décisions, d'autres chemins. Il y a tant de possibilités. Et si...
Dans ce livre on parle d’insouciance, de jeunesse, de souvenirs d’enfance qui s'accrochent à nous quoi qu'on fasse et où que l'on soit, de rêves et d’ambition, des désillusions que l’on peut avoir à l’âge adulte, de la cruauté du monde du travail dans lequel chacun essaie de trouver sa place et de gravir les échelons avant l’autre, de la façon dont cela nous déshumanise et peut nous faire oublier l'essentiel. On parle de notre volonté de vouloir briller, épater, faire mieux que le voisin et de la quête perpétuelle du bonheur. On parle de la vie qui nous rend plus lisse et nous fait parfois oublier qui nous étions. Mais on parle surtout de regrets, de rancoeurs, de remords et de solitude. On cherche tous à atteindre le bonheur, la réussite, mais à quel prix ? Que sommes nous prêts à sacrifier pour y arriver ? Sommes nous véritablement maîtres de nos vies ?
Ce roman est beaucoup plus profond et plus noir qu’il n’en a l’air. Ce n'est pas un livre que l'on lit en se laissant porter. Tout le long on réfléchit, on s'interroge, on se pose de plus en plus de questions et ça continue longtemps après qu'on l'ait refermé. Ça ne s'arrête pas là. On ne passe pas à autre chose comme ça, sans se retourner, juste en tournant la page. C'est une lecture qui vous prend aux tripes, vous secoue et vous donne mal au ventre. Je n’ai aucun doute sur le fait que cette lecture percutante va me hanter longtemps…