Aude Le Corff
159 pages, éditions Pocket, octobre 2017
L'histoire :
Une famille désireuse de quitter Paris s’installe dans une maison en périphérie d’une jolie ville portuaire. Le charme des vieilles pierres et le jardin empli de roses occultent le passé trouble des lieux. Alors que la femme travaille seule à l’écriture de son nouveau roman, l’ancien propriétaire réapparaît et s’impose peu à peu dans cette maison qu’il considère comme sienne…
Mon avis :
Avec "L'importun", Aude Le Corff nous livre une histoire pleine de finesse et d'émotions. Nous faisons la connaissance d'une femme qui vient de s'installer en province avec sa famille. Elle avait l'impression de manquer quelque chose en vivant à Paris. Elle voulait quitter le bruit, la foule et les embouteillages. Elle rêvait d'un jardin fleuri, de balades au bord de l'eau, d'une cheminée et d'un endroit calme et apaisant où écrire ses prochains livres. Malgré les travaux à faire, cette maison leur a tout de suite semblé être la bonne. Cela semble moins évident après le déménagement. Les fleurs ont fané, les rues sont désertes et pleines de flaques d'eau, sa fille a du mal à s'habituer à son nouvel environnement et fait d'étranges cauchemars. Son mari souffre d'insomnies et se fait plus distant... Et, cerise sur le gâteau, l'ancien propriétaire qui a été placé sous tutelle par ses filles, ne semble pas décidé à quitter son logis. Il refait surface sans crier gare, rentre comme s'il était encore chez lui, jardine, bricole, reprend le cours de sa vie d'avant.
Décontenancée, la nouvelle propriétaire des lieux ne sait pas comment réagir face à cette intrusion. Elle essaie d'abord gentiment de lui expliquer les choses et de faire valoir ses droits puis, contre toute attente, laisse le vieil homme revenir presque chaque jour. Il entre sans frapper, va et vient dans la maison, passe des heures dans le sous-sol où dort encore une partie de ses affaires, entretient le jardin en râlant contre ces citadins qui ne savent pas tailler un arbre correctement puis s'en va sans se retourner... jusqu'à la prochaine fois ! C'est avec curiosité et même une sorte de fascination qu'elle l'observe, jour après jour. Le vieil homme, peu accessible, fait remonter à la surface des souvenirs de sa propre enfance et devient également une source d'inspiration.
J'ai beaucoup aimé ce court roman. Il y a une atmosphère particulière et c'est très bien écrit. C'est un huis clos, une situation peu banale qui nous désarçonne et nous interroge. Il y a beaucoup de secrets et de mystère. On se demande comment les choses vont tourner. Je me suis demandée si cette histoire allait mal finir ou si quelque chose de positif allait en sortir. Aude Le Corff a vraiment su me surprendre et me captiver du début à la fin. J'ai aimé découvrir ces personnages, recueillir leurs confidences, en apprendre plus sur leurs vies. Je ne pensais pas qu'autant de sujets seraient abordés en si peu de pages.
On parle beaucoup de la relation père-enfant, de la distance et des non-dits, de ces drames et ces absences qui peuvent nous façonner et nous empêcher de nous ouvrir aux autres et d'aimer vraiment. On aborde également la guerre, l'alcool, la dépression, le temps qui passe, l'abandon, l'écriture et la distance. On parle de l'absence de modèle et de l'absence d'amour qui nous poussent à nous replier sur nous-mêmes. Il est aussi question de nos ancêtres, des traces que l'on laisse dans les lieux et dans les coeurs après notre passage, de notre attachement en général, de la solitude, du temps qui passe et de ce qui change... Sans trop en dire, j'ai aimé la manière dont les choses évoluent. J'ai profondément aimé cette relation si singulière entre ces deux personnages. C'est un roman à part, une parenthèse pleine de délicatesse et d'émotions. Un récit très touchant.
En quelques mots :
Une belle surprise ! Un roman très touchant.
Quelques extraits :
"Ne fréquentez jamais un auteur. Il s'emparera de votre vie pour peu qu'elle l'intéresse, et la livrera en pâture à des inconnus. Les écrivains sont des charognards. Mais des charognards fragiles, qui peuvent se laisser dévorer par leurs proies s'ils n'y prêtent pas attention et y mettent des sentiments." (Page 26)
"Une maison, ça endure tout, même les sautes d'humeur de ses habitants, une maison, ça ne part pas, c'est l'ultime cocon quand il n'y a plus personne. Une maison nous connaît mieux que quiconque. Elle nous voit pleurer, menacer, rire, penser, rêver, déambuler nus ou habillés, elle connaît nos amis, notre famille, voit nos enfants grandir, les protège." (Pages 105-106)