The Blackbird Sings at Dusk - Linda Olsson
252 pages, L'Archipel, février 2016, 20€
L'histoire :
Déception sentimentale ? Lassitude de vivre ? Élisabeth Blom s’est retirée du monde. Sitôt installée dans sa résidence de Stockholm, elle a débranché la sonnette et fermé sa porte à double tour. Porte à laquelle Elias, son voisin, se décide un jour à frapper, pour lui remettre son courrier. Car lui aussi s’appelle Blom… Cet incident sortira-t-il Élisabeth de sa pénombre ? Ou faudra-t-il attendre un drame – et l’intervention inattendue d’Otto, libraire à la retraite – pour faire entrer la lumière dans son appartement ? Au seuil de l’été nordique, le chant du merle annonce les beaux jours. C’est le thème, vibrant, de la partition nouée par Linda Olsson pour ces trois solitudes. Éloge du premier pas, ce récit d’une rééducation sentimentale est aussi une invitation au voyage nommé lecture.
Mon avis :
Dans les romans de Linda Olsson, on croise toujours des personnages solitaires, souvent blessés par la vie, qui vont s'aider à avancer, à reprendre espoir et confiance. J'ai eu un gros coup de coeur pour "Astrid et Veronika". C'est l'une de mes plus belles lectures de ces dernières années, un roman qui a une place particulière dans mon coeur. Le second roman de Linda Olsson paru en France - L'Enfant au bout de la plage - m'avait également charmé par sa douceur, mais il ne m'a pas autant marqué. Qu'en est-il de celui-ci ?
Trois personnages sont au coeur de ce roman et vivent dans le même immeuble. Il y a Otto, librairie à la retraite, qui s'est installé ici après le décès de sa femme. Avec le temps, Otto se rend compte qu'il n'a pas été vraiment heureux durant sa vie. Il s'est enfermé dans les livres et s'est habitué à la routine et au quotidien sans passion qu'il partageait avec son épouse. Il s'aperçoit aujourd'hui qu'ils n'étaient pas vraiment amoureux l'un de l'autre et que son obsession pour les livres cache peut-être autre chose. Dans l'appartement juste en dessous, il y a Elias. Un jeune homme dyslexique qui n'a pas du tout confiance en lui malgré son immense talent pour le dessin. Otto et Elias sont devenus très proches au fil du temps. Ils dînent régulièrement ensemble et Otto raconte à Elias les livres qu'il a lu tandis que celui-ci tente d'exprimer ce qu'il ressent en dessinant.
Et puis, il y a Elisabeth... Cela fait au moins deux mois qu'elle s'est installée dans cet immeuble, mais personne ne la voit jamais. Que fait-elle de ses journées ? Pourquoi reste-t-elle enfermée ? A la suite d'un courrier laissé par erreur devant chez lui, Elias va tenter de prendre contact avec cette femme. Leurs premiers échanges ne manquent pas d'originalité et j'ai beaucoup aimé la façon dont les trois personnages se rapprochent doucement les uns des autres... Ils vont peu à peu former un trio qu'ils sont les seuls à pouvoir comprendre. Chacun apporte à l'autre ce qui lui manque, le rassure, panse ses blessures. Mais peut-on refermer toutes les blessures, même les plus profondes ?
J'ai vraiment aimé cette lecture, la façon dont l'auteur met en avant les moyens d'expression. On parle des mots, de l'Art, de la musique et de tous ces sentiments mêlés qu'ils nous procurent et des différentes et puissantes façons de les ressentir. Comme toujours, Linda Olsson nous régale avec des passages délicieux qui décrivent des petits moments du quotidien très simples mais qui contribuent à nous rendre heureux : le soin que l'on met à se préparer, le plaisir que procure une balade ou un déjeuner en bonne compagnie, le fait de préparer un bon repas à partager (qui est également une belle façon de créer et de s'exprimer), le bonheur de recevoir un cadeau qui vient du coeur, le fait de prendre le temps d'observer et d'écouter la nature et le monde... Il est question de sensations et non de possessions. Toutes ces descriptions de la Suède au printemps et en été sont vraiment savoureuses. On a envie d'y être, d'écouter le chant du merle, de regarder le retour de l'aube et les couleurs du ciel qui changent au fil des heures, de flâner dans les rues de Stockolm désertées durant l'été, de se promener au bord de l'eau...
Dans tous ses livres, l'auteur nous montre que le bonheur ne s'achète pas et qu'il est toujours à portée de main. Elle met toujours l'accent sur la simplicité, la générosité, les échanges, le partage et l'amour. Son écriture, très poétique, est vraiment délicieuse et il y a des passages très philosophiques toujours pertinents et qui nous amènent à réfléchir sur des sujets qui nous touchent de près : l'amour, le bonheur, la souffrance, la vie...
Il y a aussi quelque chose qui m'a beaucoup plu dans ce livre. Il y a des passages que j'ai trouvé vraiment délicieux car ils sont optimistes et remplis de bons sentiments, mais c'était parfois un peu trop pour moi. Trop de miel, trop de bons sentiments, trop facile aussi... J'ai même eu peur que ça fasse pencher la balance de l'autre côté et que je ne garde pas un bon souvenir de cette lecture. Et justement, c'est là que l'auteur a su me surprendre car il y a aussi de la noirceur dans son roman. Lorsqu'on croit que les personnages sont tirés d'affaire, qu'ils ont enfin remonté la pente, elle nous montre que les choses ne sont pas aussi simples, que les anciennes peurs et les blessures peuvent ressurgir à tout instant. Je vous l'accorde, ce n'est pas très réjouissant, mais c'est tellement plus crédible et plus vrai, je trouve. Les personnages de ce livre m'ont touché. Ils m'ont ému avec leurs forces et leurs faiblesses et je n'ai vraiment pas envie de les oublier.
En quelques mots :
Un roman lumineux et plein d'optimisme dans lequel des personnages solitaires et blessés s'aident à avancer et à reprendre confiance en eux et en la vie. Une écriture poétique qui m'a, une fois encore, charmée.
A lire aussi :
"Un nouveau jour" de Sarah Rayner
Quelques extraits :
"Longtemps, j'ai confondu les lieux avec les gens : je croyais être au bon endroit, parce que je croyais être avec la bonne personne."
"Mon existence entière dépendait des livres : je lisais au petit-déjeuner, je travaillais entouré de livres toute la journée, je lisais le soir. Et quand je ne lisais pas de livres, je lisais des critiques ou des articles qui en parlaient."
"Vous êtes un tout : vos idées, votre talent, votre corps constituent un tout qui est vous. Ne laissez pas dissocier ces éléments. N'acceptez jamais d'être aimé en partie, parce qu'alors ce n'est pas de l'amour. La personne qui vous aime doit aimer tout ce qui est vous, qui vous êtes, comme vous êtes."
"Il paraît que si l'on pense faire une crise cardiaque, il y a peu de chances que c'en soit une ; en revanche, si c'en est une, on le sait. C'est peut-être pareil pour l'amour. [...] Le plus triste, c'est que nous soyons si nombreux à nous résigner à notre sort, à coller l'étiquette "amour" sur presque tout, à renoncer à l'espoir. [...] Nous nous persuadons que l'amour va venir à nous, satisfaire tous nos besoins, combler nos attentes, accomplir nos rêves et durer éternellement. [...] Nous croyons être aimés lorsque, en réalité, nous voulons être aimés. Nous projetons nos sentiments sur quelqu'un, perdant de vue en un instant tous ceux qui nous entourent, qui pourraient nous donner de l'amour. Il est impossible d'obtenir tout l'amour dont on rêve d'une seule personne, alors que de petites preuves d'amour réunies peuvent représenter plus que ce qu'un seul être nous apporte."