Jean-Philippe Blondel
188 pages, éditions Pocket, janvier 2016, 6,20€
L'histoire :
C'est l'heure du retour de vacances. Dans le courrier en souffrance, une lettre attend Victor, professeur d'anglais depuis vingt ans. Ce qu'elle contient va raviver un souvenir enfoui. Septembre 1984. Victor est à Paris pour sa deuxième année de prépa. Il travaille beaucoup, a peu voire pas d'amis, la compétition est de toute façon cruelle. Un jour de cours comme un autre, dans la classe d'en face on entend une insulte, une porte qui claque, quelques secondes de silence, un bruit mat, le hurlement de la bibliothécaire. Mathieu a sauté. La pression, le sentiment de transparence, la solitude ? Qu'importe. Rien, désormais, ne sera plus jamais comme avant...
Mon avis :
On est tout de suite happé par les mots de Jean-Philippe Blondel. Avec une écriture belle et limpide, il nous invite à partager l'intimité de son personnage, ses émotions les plus pures et les plus profondes. C'est une lettre qui nous semble d'abord sans importance qui va bouleverser Victor, le narrateur, et l'amener à se remémorer une période précise de sa vie, une époque dont il se souvient très bien mais qu'il a enfoui au fond de lui et sur laquelle il n'a pas l'habitude de revenir et encore moins de se confier. Malgré tout ce qu'il a vécu, malgré les années passées et les chemins qu'il a pris, malgré les gens perdus de vue et les nouvelles rencontres, il n'a jamais oublié cet hiver parisien...
Dans ce roman, Jean-Philippe Blondel nous décrit le climat malsain, la pression, les humiliations publiques, la compétition et la tension permanentes qui règnent dans les grandes écoles parisiennes. Le narrateur de l'histoire arrive de province et s'installe à Paris pour ses études. Jour après jour, il observe ce monde cruel et impitoyable avec beaucoup de recul, de fatalisme et de lucidité. Il sait qu'il ne fera jamais partie des meilleurs mais cela semble lui être égal. Il avance dans la vie sans vraiment savoir où il va, en attendant que les choses se fassent d'elles mêmes. Jusqu'au jour où un événement tragique va tout changer...
Le narrateur se retrouve malgré lui au coeur de l'attention. Il devient un peu plus populaire, ses camarades se rapprochent de lui, il attise la curiosité et se rapproche d'un père qui n'est pas le sien mais qui a le mérite de s'intéresser un peu à lui, ou du moins à une partie de sa vie. La lucidité du narrateur et sa solitude le rendent vraiment très attachant. On avance à l'aveugle avec lui, on le voit grandir, devenir un homme et un écrivain. C'est un récit intime et émouvant dans lequel ressurgissent des souvenirs, des blessures, des regrets qui nous poussent à nous interroger sur notre histoire personnelle, sur ces événements, ces petites choses qui nous ont fait devenir l'adulte que nous sommes aujourd'hui. La fin est vraiment superbe et m'a beaucoup plu.
En quelques mots :
Une lecture émouvante et marquante que j'ai eu beaucoup de mal à reposer.
"C'est le propre du roman d'amener le lecteur à renoncer au sommeil. A se relever, sans faire de bruit, pour ne pas troubler celui ou celle qui dort à son côté. A descendre dans le salon, allumer les lumières et s'affaler dans le canapé, vaincu. La prose a gagné le combat. On ne peut plus lui résister." (Page 181)