Ghostwritten - Isabel Wolff
375 pages, éditions JC Lattès, mai 2015
L'histoire :
Jenni est ghostwriter : elle prête sa «plume fantôme» aux récits de ses clients. Hantée par une tragédie survenue dans son enfance, ce travail lui convient parfaitement. Elle préfère se réfugier dans les souvenirs d'autrui plutôt que de ressasser les siens. Klara, petite fille pendant la Seconde Guerre mondiale, a passé plusieurs années dans un camp d'internement à Java, sous l'occupation japonaise. Elle n'a jamais parlé de ce qu'elle a vécu, mais à l'approche de son quatre-vingtième anniversaire, elle comprend qu'il est temps de partager le drame de sa vie. Tout en amenant Klara à raconter son enfance et à dévoiler un épisode méconnu de l'histoire mondiale, Jenni est contrainte de revenir sur son propre passé. Klara et Jenni parviendront-elles à s'entraider pour apaiser leurs fantômes ?
Mon avis :
Cela fait plusieurs années que j'ai envie de découvrir les romans d'Isabel Wolff dont j'entends le plus grand bien. Je dois même en avoir au moins deux dans ma bibliothèque (Avis de grand frais et Un amour vintage). La couverture de Plume fantôme m'a vraiment tapé dans l'oeil et la présentation me plaisait bien, mais j'ai lu beaucoup de récits sur la guerre dernièrement alors je pensais attendre un peu avant de me plonger dedans. Pour la petite anecdote, lorsque je l'ai ouvert, je voulais juste lire quelques lignes. C'est l'une de mes petites manies de lectrice. J'aime bien prendre des romans au hasard et lire le début sans aller plus loin. Ne me demandez pas pourquoi, je ne le sais pas moi-même. Toujours est-il que j'ai pris ce roman pour en lire quelques lignes et lorsque je me suis arrêtée pour reprendre mon souffle, j'avais déjà lu une bonne soixantaine de pages. C'est dire si ce roman m'a plu...
Il y a deux histoires en parallèle. Celle de Jenni et celle de Klara. Elles ont vécu des choses bien différentes et pourtant, il y a quelque chose de similaire dans leurs souffrances. Les deux histoires se font écho. Jenni est ghostwriter (nègre littéraire). Elle met des mots sur les souvenirs de ses clients. Cette fois, c'est la famille de Klara qui fait appel à elle. Pour son 80ème anniversaire, la vieille dame a décidé de publier ses mémoires, de raconter enfin ce passé dont sa famille ne sait pas grand chose. Klara n'a pas vécu une enfance ordinaire. Elle est née en Hollande mais sa famille rejoint les Indes orientales néerlandaises alors qu'elle n'est qu'une enfant. Là-bas, ses parents s'occupent d'une plantation et ils vivent paisiblement jusqu'à l'occupation japonaise et ses terribles conséquences... Pour ce qui est de Jenni, je ne dirais rien, mais elle a eu une enfance très difficile également et a dû affronter de terribles épreuves...
D'abord distantes, les deux femmes se rapprochent peu à peu... Klara n'accepte de se livrer qu'à la condition que Jenni se dévoile un peu aussi. Farouchement opposée à cette idée et bien décidée à ne pas parler d'elle, Jenni écoute le récit de Klara mais son histoire fait remonter de mauvais souvenirs à la surface... Il y a des choses qu'on ne peut pas oublier, des secrets qui nous hantent, un sentiment de culpabilité qui nous ronge et nous empêche d'avancer. Se pourrait-il que ces deux femmes arrivent ensemble à surmonter leur passé ?
Quelle lecture bouleversante ! Isabel Wolff revient sur ces oubliés de l'Histoire, ces prisonniers dont on parle trop peu et qui ont pourtant subi autant d'atrocités que les autres victimes de la Seconde Guerre Mondiale. Elle parle aussi de ces pauvres gens qui, même après la guerre, n'étaient plus à leur place nulle part, obligés de quitter un lieu qu'ils avaient toujours connu pour rentrer dans leur pays d'origine - ou même un pays où ils n'avaient jamais mis les pieds - pour se faire insulter, rejeter et s'entendre dire qu'ils n'avaient pas leur place ici et, pire encore, se rendre compte que le reste du peuple ignorait tout du calvaire qu'ils avaient, eux aussi, subi et les considérait jalousement comme des privilégiés. Isabel Wolff leur rend hommage, nous parle de leur courage et de l'espoir qu'ils ont tenté de conserver jusqu'au bout.
J'ai été bouleversée par l'histoire de cette famille qui a connu tant de drames. D'habitude, dans ce genre d'ouvrages où il y a deux histoires en parallèle, je trouve qu'il y en a toujours une plus intéressante que l'autre. Ca n'a pas été le cas ici. J'ai été aussi émue par l'histoire de Jenni que par celle de Klara. Je n'arrivais plus à me détacher de ce livre. J'ai pleuré. Beaucoup. Mais j'ai ri aussi, j'ai souri, j'ai eu envie de crier et de hurler de rage. J'ai ressenti tellement d'émotions que j'en suis encore chamboulée. Je me suis tellement attachée à tous ces personnages... Ils m'ont ému et je pleure encore pour eux. J'ai l'impression qu'ils ont vraiment existé et que je les ai tous connu. Les Cornouailles, les Indes orientales, la plantation... je pourrais vous décrire tout cela comme si j'y étais vraiment allée. Isabel Wolff est vraiment douée pour transporter le lecteur ailleurs, le faire voyager, lui faire ressentir des émotions fortes.
Plume fantôme est et restera pour moi une lecture inoubliable et bouleversante. Ce livre m'a fait penser à "Astrid et Veronika" et à "Pardonne-lui", deux des romans qui m'ont le plus marqué et que je n'oublierai jamais. Celui-ci est de la même veine. Il est dur, très dur émotionnellement, mais terriblement poignant et c'est un merveilleux hommage à tous ces oubliés de l'Histoire. Ce soir, j'ai le coeur lourd, et des tas de pensées pour eux et je me sens aussi incroyablement chanceuse de vivre à notre époque et dans cette partie du monde. C'est quelque chose qu'on a tous tendance à oublier, je crois, la chance que l'on a de ne pas avoir connu la guerre...
En quelques mots :
COUP DE COEUR !
Un livre bouleversant, inoubliable et impossible à lâcher. J'ai pleuré toutes les larmes de mon corps et j'ai l'impression de connaître chacun des personnages de ce roman. Ils me hanteront longtemps, j'en suis certaine...
"Comme ce doit être merveilleux d'être incapable de se rappeler nos souffrances passées. Et pourtant, il faut accepter tous ces souvenirs, qu'ils soient joyeux ou douloureux. Il n'y a que les souvenirs qui nous appartiennent réellement, dans la vie."